Il est temps de développer une politique alimentaire pour le Canada

Par Diana Bronson - Diana est la directrice générale du Réseau pour une alimentation durable.

"Cet article a été publié le 24 juillet, 2015 pour la campagne Je mange donc je vote du Réseau pour une alimentation durable" 

Alimentation biologique ou locale, végétarienne ou épicée, lente ou rapide; nous avons tous notre politique alimentaire personnelle. La manière dont nous mangeons est le reflet de nous même, en plus de révéler nos priorités en matière de santé, d’éthique et de culture.

À titre de pays, il semble donc logique d’accorder une importance prioritaire à l’alimentation. Pourtant, malgré l’existence d’une foule de problèmes touchant l’alimentation, le Canada ne s’est toujours pas doté d’une politique alimentaire nationale.

Tout bien considéré, un emploi sur huit au Canada est relié au système alimentaire. Les maladies reliées au régime alimentaire ont explosé au point de submerger notre fragile système de santé alors qu’elles coûtent aux contribuables des dizaines de milliards de dollars par année. Plus de quatre millions de Canadiennes et de Canadiens vivent l’insécurité alimentaire, et la faim a atteint des niveaux critiques dans nombre de communautés nordiques, éloignées et autochtones.

La plupart d’entre nous s’accorderaient pour dire que l’accès aux aliments sains est un droit fondamental dont devrait jouir chaque Canadienne et Canadien. Alors que les élections approchent, nous devons faire en sorte que le nouveau gouvernement partage lui aussi cette conviction.

Une politique alimentaire nationale aurait pour effets d’unifier les activités interreliées des universitaires, des entrepreneurs et des militants provenant de différents champs, de décloisonner les différents ministères, et de nous permettre de nous attaquer de manière holistique aux problèmes interreliés que sont la faim, la production alimentaire non durable, les changements climatiques et la mauvaise alimentation.

L’alimentation saine dépasse la seule question de la nutrition. Selon une définition largement acceptée, il s’agit du résultat final d’un système alimentaire qui assure la pérennité des ressources naturelles, engendre des progrès sur les plans de la justice sociale et du bien-être animal, renforce les communautés, et répond aux besoins alimentaires et nutritifs de tous les mangeurs, présents et futurs.

Nous avons tous un rôle à jouer dans la mise en place d’un système alimentaire plus durable. En effet, à lui seul, le marché n’est pas en mesure de créer un système alimentaire sain et durable. Ainsi, à titre d’individus, nous devons non seulement « voter avec nos fourchettes », mais également redoubler et unir nos efforts.

Pourquoi n’encouragerions-nous pas les agriculteurs à cultiver davantage de fruits et de légumes sains nécessaires à l’amélioration du régime alimentaire canadien moyen? Pourquoi nos institutions publiques n’offrent-elles pas davantage d’aliments locaux et ne servent-elles pas des repas plus sains? Pourquoi ne prenons-nous pas exemple sur le lobby antitabac en recourant aux impôts, à la santé publique et à des règlements adéquats afin de réduire les impacts de la malbouffe sur nos enfants? Pourquoi tous les enfants à l’école ne peuvent-ils pas avoir accès à un repas sain chaque jour afin qu’ils puissent atteindre leur plein potentiel?

Afin de prendre les mesures nécessaires pour s’attaquer à ces questions, le Canada doit rapidement adopter une approche systémique de l’alimentation. Nous devons mieux penser notre manière de réformer notre système alimentaire à l’aide de nouvelles idées et de politiques nationales novatrices qui élimineront les cloisons entre l’agriculture, l’environnement, l’économie et la santé afin de mettre sur pied un système alimentaire sain et durable capable de nous nourrir tous.

Résoudre les problèmes interreliés en matière d’alimentation comporte des conséquences à long terme, et une politique alimentaire permettrait de réformer les politiques qui en ont impérativement besoin comme :

  • Les politiques en matière de santé qui ne répondent pas à l’urgente nécessité d’endiguer l’explosion de maladies chroniques reliées au régime alimentaire qui submergent notre système de soins de santé;
  • La politique agricole qui est essentiellement axée sur les marchés d’exportation et les cultures commerciales fournissant les ingrédients de base aux aliments hautement transformés, qui sont de plus en plus présents au sein de notre alimentation et qui se sont tous révélés contribuer aux maladies reliées au régime alimentaire;
  • Les politiques en matière d’éducation qui ne sont pas en mesure de tenir compte des nouvelles données indiquant que les élèves qui ont faim ne peuvent pas optimiser leurs chances de réussite scolaire;
  • L’absence totale de politique sociale s’attaquant aux facteurs sociaux qui compromettent la santé, le faible revenu en premier lieu, qui constitue la principale cause d’insécurité alimentaire.

Lancée par le Réseau pour une alimentation durable, la campagne Je mange donc je vote demande à tous les candidats à la prochaine élection fédérale de s’engager à mettre en œuvre une politique alimentaire nationale, et à entreprendre un dialogue avec les communautés sur la manière de bâtir un système alimentaire pour l’avenir.

Parmi les nombreuses voix exigeant la mise en place d’une telle politique se trouvent celles d’agriculteurs, de médecins, de diététiciens, d’universitaires, de banques alimentaires, de groupes de réflexion, de citoyens, de groupes communautaires et d’entreprises.

Les membres du Réseau pour une alimentation durable ont cerné quatre mesures prioritaires :

  • Instaurer un revenu minimum de base afin d’améliorer rapidement les conditions de vie de quatre millions de Canadiennes et de Canadiens qui vivent l'insécurité alimentaire;
  • Mettre en place de vraies solutions pour contrer la crise des prix des aliments dans le Norden collaboration avec les habitants de la région;
  • Investir dans un programme alimentaire scolaire universe de manière à ce que les enfants puissent jouir de bonnes conditions d’apprentissage;
  • Soutenir la prochaine génération d'agriculteurs qui produiront des aliments durables et locaux.

Aucun d’entre nous ne peut à lui seul mener ces réformes. Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de meneur afin de rassembler les différentes parties prenantes de notre système alimentaire.

Alors, quel parti politique est prêt à aller de l’avant?