Revenu minimum garanti et stratégie pour la sécurité alimentaire : la formule gagnante de l’Ontario?
Suite à la période de consultation publique qui a eu lieu en ligne et lors de rencontres régionales, le gouvernement de l’Ontario a annoncé la semaine dernière la mise en place d’un projet pilote portant sur le revenu minimum garanti qui s’échelonnera sur trois ans. Ce projet vise à étudier les impacts qu’un revenu minimum garanti pourrait avoir sur certains domaines clés, incluant la sécurité alimentaire, la santé et l’accès au logement.
Qu’est-ce qu’un revenu minimum garanti?
Le revenu minimum garanti est une forme d’assistance sociale qui crée un plancher salarial sous lequel une personne ne peut descendre: les Ontariens qui participeront à ce projet pilote verront leurs revenus augmenter pour atteindre environ le double du montant correspondant au bien-être social. Le revenu minimum garanti a récemment suscité beaucoup d’attention parmi les économistes, politiciens et activistes qui le considèrent comme un moyen plus simple et efficace de réduire la pauvreté que les programmes d’assistance sociale actuels, tout en étant moins stigmatisant.
L’idée d’un revenu minimum garanti a également été envisagée au Québec, où la mesure a été étudiée et son déploiement suggéré. Sur l’Île-du-Prince-Édouard, une motion pour mettre en place un projet pilote de revenu minimum garanti a été adoptée à l’unanimité. Le ministre fédéral des finances Bill Morneau a récemment annoncé que le revenu minimum de base n’était pas prioritaire pour le moment, malgré que plusieurs groupes, dont le Réseau pour une alimentation durable et le Community Food Centres Canada, ont demandé au gouvernement fédéral de considérer la mise en place d’un revenu minimum garanti pour tous les Canadiens et Canadiennes.
Le projet pilote ontarien sera lancé ce printemps à Hamilton, Brantford, Brant County, Thunder Bay et dans les régions environnantes, et il sera suivi d’un autre lancement cet automne à Lindsay. Ces communautés ont été choisies afin d’étudier les impacts que ce projet aura dans les régions urbaines, rurales et intermédiaires. Les personnes âgées entre 18 à 64 ans qui vivent avec un faible revenu sont invitées à postuler pour ce projet; la sélection se fera aléatoirement. (Les personnes âgées qui reçoivent déjà des formes de revenu minimum de la part du gouvernement fédéral via une pension de la sécurité de vieillesse et un supplément de revenu garanti sont exclues du projet pilote. Une recherche de l’École de Politique Publique de l’Université de Calgary a démontré que l’admissibilité à ces programmes pour les plus de 65 ans réduisait de moitié les risques d’insécurité alimentaire.)
Comme le Canada n’a pas de seuil de pauvreté officiel, les montants des paiements ont été fixés à 75% de la Mesure de Faible Revenu relevée par Statistiques Canada: 16 989$ pour une personne seule ou 24 027$ pour un couple, avec un 500$ supplémentaire offert à chaque mois pour les personnes vivant avec des incapacités. Afin de ne pas décourager les participant-e-s de ce projet à travailler à cause de la récupération fiscale sur le revenu gagné, comme cela est le cas pour les bénéficiaires de l’aide sociale, les prestations ne diminueront que de 50 cents par dollar gagné au travail.
La stratégie ontarienne de sécurité alimentaire
Le gouvernement de l’Ontario a également annoncé ce mois-ci la sortie d’un document de travail intitulé Élaboration de la première stratégie ontarienne pour la sécurité alimentaire pour amorcer une réflexion avant les consultations publiques prévues cet automne.
“Dans une province aussi prospère que l’Ontario, chaque famille mérite d’avoir la garantie de pouvoir manger en rentrant à la maison” précise le document . ”La stratégie doit porter sur l’accès physique et économique à une alimentation suffisante, sécuritaire, nutritive et adaptée sur le plan culturel, y compris dans les collectivités isolées et autochtones de même que pour les peuples autochtones de toute la province.”
Le document propose ainsi quatre axes prioritaires: soutenir des solutions spécifiques aux communautés; de créer une vision partagée pour un impact collectif fondé sur les meilleures connaissances accessibles; améliorer la sécurité alimentaire; et trouver des solutions novatrices.
Quelle est la portée de toutes ces mesures?
Le projet pilote ontarien pour un revenu minimum garanti, la stratégie sur la sécurité alimentaire, ainsi que la stratégie de réduction de la pauvreté sont tous des indicateurs que la province commence à s’attaquer plus sérieusement aux enjeux de pauvreté et d’insécurité alimentaire. Toutefois, comme pour toutes les stratégies gouvernementales, ces dernières ne pourront être effectives que si elles sont associées à des ressources adéquates.
« Le projet pilote est une première étape très importante », explique Valerie Tarasuk, enseignante au département des Sciences de la Nutrition de l’Université de Toronto et chercheuse principale chez PROOF. « La province a clairement identifié la sécurité alimentaire comme un élément clé d’évaluation. Tout semble indiquer que des améliorations au niveau de la sécurité alimentaire des ménages devraient apparaître à la suite de cette intervention ». D’ailleurs, les chercheuses et les chercheurs de PROOF ont mis en lumière de façon indéniable que des solutions consacrées au revenu sont indispensables pour remédier au problème d’insécurité alimentaire.
La question de savoir si le projet pilote ontarien de revenu minimum garanti aura de l’impact dépend de ce qu’il deviendra à son terme. Est-ce que ce projet, qui ne touche présentement que quelques personnes, sera étendu à l’ensemble des Ontarien-ne-s à faible revenu après la prochaine élection provinciale, alors qu’il semble qu’un gouvernement progressiste-conservateur sera bientôt élu dans la province? Ou est-ce qu’il subira plutôt le même sort que l’expérience de 1974-1979 du Manitoba, qui est tombée aux oubliettes après un changement de direction politique?
Néanmoins, ces politiques intéressantes seront à surveiller par les Canadien-ne-s préoccupé-e-s par les taux croissants d’insécurité alimentaire au pays. Elles pourront également livrer des leçons importantes aux autres provinces et territoires du Canada, ainsi qu’au gouvernement fédéral.
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