Cinq grandes idées pour un meilleur système alimentaire

Vendredi, 26 mai, 2017 - 14:42

Une proposition du Réseau pour une alimentation durable pour la Politique alimentaire nationale

La capacité et la viabilité de notre système alimentaire pour assurer l’accès à des aliments nutritifs constituent des sujets de préoccupations de plus en plus importants aux yeux des Canadien-ne-s, alors qu'un nombre croissant de personnes souffrent d’insécurité alimentaire.

Les mauvaises habitudes alimentaires sont la cause principale de décès au Canada. Si d’une part, le secteur agricole et agroalimentaire offre plus d’emplois aux Canadien-ne-s qu’aucun autre secteur de l’économie, d’autre part, plusieurs de ces salarié-e-s ne gagnent pas un revenu suffisant pour vivre. Aussi, le système alimentaire est à lui seul responsable de près de 50% des émissions de gaz à effet de serre produites dans le monde. Par conséquent, il est primordial de fixer notre système alimentaire si l’on désire adresser nos priorités les plus urgentes en matière de santé, d’économie et d’environnement.  

Malgré l’importance du système alimentaire, le Canada ne dispose présentement pas d'une politique alimentaire nationale nous permettant de régir les nombreuses sphères reliées à notre alimentation. Entre autre, il n’y a pas de politiques développées concernant la manière dont nos aliments sont acheminés jusqu'à nos assiettes et les moyens de réduire le gaspillage alimentaire qui en découle.  À la place d’une politique nationale, nous avons un ensemble de politiques disparates en matière d’agriculture, de santé, de commerce, d’environnement, de développement social, et ainsi de suite. Pour créer un système alimentaire en mesure de s’adresser aux enjeux actuels, nous devons adopter une approche réflexive globale et intégrée sur la manière dont notre système alimentaire est régi de la ferme à l’assiette.

Il semble que le gouvernement fédéral soit finalement à l’écoute. Le premier ministre Trudeau a chargé le ministre de l'agriculture, Lawrence MacAulay, d'élaborer une politique alimentaire nationale pour assurer l’accès à des aliments canadiens nutritifs pour tous les ménages du pays, et également, nous l’espérons, pour assurer l’accès à une alimentation sûre et saine, et culturellement appropriée pour toutes et tous.

Le réseau pour une alimentation durable est une alliance d'organisations et d'individus engagé-e-s à soutenir la mise en place d’un système alimentaire plus sain, plus équitable et plus durable. Nous faisons campagne et intervenons pour faire entendre les voix des citoyen-ne-s auprès des décideurs fédéraux afin de s’assurer que cette politique aide tous les Canadien-ne-s à mieux s’alimenter.

Voici nos cinq grandes idées pour un meilleur système alimentaire:

Réaliser le droit à l’alimentation

Le Canada a ratifié le Pacte international des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui confère à notre gouvernement l'obligation légale de garantir à ses citoyen-ne-s le droit à une alimentation adéquate. Pourtant, quatre millions de Canadien-ne-s, dont 1.15 millions d'enfants, parviennent difficilement à avoir accès à des aliments nutritifs sur leur table. Ce problème est bien pire dans les collectivités nordiques et éloignées. Au Nunavut par exemple, l’insécurité alimentaire touche près des deux tiers des enfants.

Ce que le gouvernement peut faire :

  • Avec la Stratégie canadienne de réduction de la pauvreté, il est possible d'améliorer les programmes sociaux et de travailler pour mettre en place un revenu minimum garanti en dessous duquel une personne ne peut descendre, afin que tous les Canadien-ne-s puissent se procurer des aliments nutritifs et adéquats.
  • Faire une refonte du programme Nutrition Nord pour améliorer l'accès et l'abordabilité des aliments tout en renforçant les systèmes alimentaires régionaux du Nord, incluant le soutien public aux programmes visant à améliorer l'accès aux aliments traditionnels.
  • Veiller à ce que les accords commerciaux et les investissements internationaux ne compromettent pas les programmes publics qui renforcent le respect des droits humains, des moyens de subsistance durables et/ou de la souveraineté alimentaire.

     

Favoriser l’alimentation saine et durable

Le gouvernement a annoncé une Stratégie en matière de saine alimentation, qui est une excellente première étape, mais il faudra faire beaucoup plus pour aider les Canadien-ne-s à faire des choix alimentaires sains. Les habitudes alimentaires des Canadien-ne-s affectent non seulement leur santé, mais elles ont également des impacts sur les changements climatiques et l'environnement. Nous devons nous attaquer aux habitudes alimentaires malsaines afin de réduire les taux croissants de maladies qui leur sont reliées et qui menacent de bouleverser notre système de soins de santé. Nous devons adopter des régimes alimentaires plus sains pour notre santé et notre planète.

Ce que le gouvernement peut faire :

  • Intégrer la durabilité dans le Guide alimentaire canadien afin de créer un lien politique solide entre une alimentation saine et une production alimentaire durable.
  • Créer un programme national pour une saine alimentation scolaire afin que tous les élèves puissent acquérir des compétences alimentaires de base et aient également accès à des repas sains et nutritifs à chaque jour.
  • Fixer des objectifs pour un approvisionnement alimentaire institutionnel local et durable pour s'assurer que les espaces publics offrent des aliments sains.

 

S'engager à soutenir des systèmes alimentaires durables

L'agriculture et les pratiques de pêche non durables entravent de manière significative nos terres, nos cours d'eau et nos océans, menaçant de ce fait la viabilité de nos systèmes de production alimentaire. De plus, les Canadien-ne-s gaspillent 40 pourcent des aliments produits, ce qui génère des pertes de 31 milliards de dollars par an. Aussi, alors que près de 50 pourcent des agriculteur-trice-s canadien-ne-s ont plus de 55 ans, seulement un-e sur 12 a trouvé une relève pour poursuivre les activités agricoles après leur retraite, ce qui a entraîné une baisse importante du nombre de fermes au pays.

Ce que le gouvernement peut faire :

  • Par l’entremise du prochain cadre stratégique pour l’agriculture, il faut inciter et récompenser les meilleures pratiques en matière de durabilité environnementale et de résilience climatique, ainsi qu’apporter un meilleur soutien aux nouveaux et nouvelles agriculteur-trice-s et un plus grand appui pour effectuer une transition biologique.
  • Prendre l’initiative et travailler avec les gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux afin de réduire le gaspillage alimentaire dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, de la ferme à l’assiette.
  • Réviser la Loi sur les pêches du Canada afin de mieux protéger les habitats des poissons et de soutenir une pêche durable dans les collectivités côtières.

 

Faire du système alimentaire un processus de réconciliation

La nourriture a souvent été utilisée comme un outil de colonisation, mais elle peut également servir d'outil de guérison et de réconciliation. Les systèmes alimentaires autochtones sont profondément liés aux économies, aux cultures, à la santé et au bien-être des populations autochtones. Le respect, la responsabilité, la réciprocité et la redistribution sont des valeurs fondamentales qui ont déjà guidé les relations dans le réseau diversifié des systèmes alimentaires autochtones partout au pays.

Ce que le gouvernement peut faire :

  • Travailler avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits du Canada pour s'assurer de renforcer leur souveraineté alimentaire et de garantir leur accès à leurs aliments traditionnels et à leurs droits de pêche et de chasse.
  • Soutenir les initiatives autochtones qui s'attaquent à l'épidémie de maladies liées à l'alimentation et à l'insécurité alimentaire au sein des populations autochtones.

 

Inviter plus de voix à la table

Les Canadien-ne-s, qu’ils et elles soient des consommateur-trice-s, des cuisinier-ère-s, des groupes communautaires, des producteur-trice-s, des travailleur-se-s ou des entrepreneur-se-s alimentaires, veulent avoir leur mot à dire sur la façon dont leurs aliments sont produits, et sur les changements nécessaires qui doivent être apportés à notre système alimentaire. Nous devons nous assurer que les discussions ne se fassent plus derrière des portes closes où l'industrie et le gouvernement décident de ce qui est le mieux pour nous; nous devons faire partie intégrante de la conversation.

Ce que le gouvernement peut faire :

  • S'assurer que les consultations sur la politique alimentaire nationale soient accessibles et exhaustives et que des mesures spéciales soient prises pour que les voix des Canadien-ne-s vivant de l'insécurité alimentaire, des jeunes et des organisations issues de la société civile soient entendues, et non seulement celles de l'industrie.
  • Créer un conseil de politique alimentaire nationale qui permette aux intervenant-e-s de l'ensemble du système alimentaire d'aider le gouvernement à prendre des décisions judicieuses et raisonnées concernant les aliments que nous consommons.

Nous accueillons avec enthousiasme le lancement des consultations fédérales sur la politique alimentaire nationale. Le Canada a tout ce qu'il faut pour devenir un chef de file mondial en matière de politique alimentaire: des ressources naturelles abondantes, des soins de santé universels, une diversité culinaire, des entreprises dynamiques, une société civile entreprenante et engagée, ainsi qu'une population aimant discuter d’alimentation et manger sainement. Disons au gouvernement qu'il est temps d'éliminer la faim et de faire de l’alimentation un élément clé de nos projets pour devenir un pays plus durable et plus sain.

Devenez membre ou donateur-trice mensuel-le du Réseau pour une alimentation durable.

Pour en connaître davantage sur la politique alimentaire nationale, lisez notre document de réflexion D'une mosaïque complexe vers une politique cohérente: principes et priorités d'une politique alimentaire nationale au Canada (disponible uniquement en anglais pour le moment).