Le nouveau partenariat canadien pour l'agriculture: encore le même refrain?

Les ministres de l’agriculture des niveaux fédéral, provinciaux et territoriaux (FPT) se sont rencontrés le mois dernier afin de discuter et de convenir des priorités clés du prochain cadre stratégique pour l’agriculture (CSA). Celui-ci se nomme maintenant le Partenariat canadien pour l'agriculture et il doit remplacer Cultivons l'avenir 2 en avril 2018. Avec une vision directrice d’ “innovation, croissance, prospérité”, ce cadre stratégique paraît malheureusement suivre la même voie que ces prédécesseurs créés avec l’impératif de croissance orientée vers l’exportation, ce qui suppose que lorsqu’il est question de l’avenir de l’agriculture canadienne, plus gros veut nécessairement dire meilleur. Bien que l’annonce d’entreprendre une révision significative des programmes de gestion des risques de l’entreprise soit un pas en avant bienvenu, le communiqué laisse toutefois beaucoup à désirer en ce qui concerne les défis clés auxquels sont confrontés les agriculteur-trice-s canadien-ne-s et notre système alimentaire dans son ensemble.      

Les six domaines prioritaires de la Déclaration de Calgary sont demeurés en grande partie les mêmes. Cela étant, il semble y avoir une plus grande emphase sur les exportations et la technologie en tant qu’innovation. Par exemple, alors que la Déclaration de Calgary faisait une référence spécifique aux marchés nationaux et internationaux, le communiqué issu de la rencontre des ministres FPT ne comportait pas une telle référence. La déclaration indiquait plutôt le fait que la rencontre FPT présentait une “attention particulière” au 1,2 milliard de dollars de Fonds stratégique pour l’innovation, qui doit fournir les fonds complémentaires pour créer les soit-disant supergrappes de l’innovation en agriculture. Dans ce cas-ci, le terme “innovation” paraît se limiter à la recherche en technologie et commercialisation.  

Améliorer les programmes de gestion des risques de l’entreprise existants est certainement nécessaire. Nous espérons qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada envisagera, dans le cadre de cette procédure de révision, d'élargir la définition de gestion de risques afin d'y inclure la diversité des cultures, la collecte de semences, la transition vers des pratiques agricoles plus écologiques et le mentorat entre fermier-ère-s. D'après USC Canada, “La diversification variétale des cultures est une stratégie de gestion des risques qui rend une ferme plus résistante aux stress environnementaux. Sélectionner, collectionner et replanter des semences d’année en année permet également aux variétés de poursuivre leur évolution tout en s'adaptant aux conditions locales”.

Il est encourageant d’apprendre que les ministres ont discuté des manières d'améliorer l’agriculture autochtone au Canada, en plus d’avoir reconnu l’importance de collaborer avec les chefs autochtones et les programmes et initiatives déjà en place dans les communautés autochtones qui travaillent à améliorer les systèmes alimentaires autochtones, ainsi que la souveraineté alimentaire. Un autre signe positif est la présentation que les ministres ont reçue sur les défis liés à la main-d'oeuvre auxquels sont confrontés les agriculteur-trice-s canadien-ne-s. Toutefois, il n'y a dans l'APF aucune indication sur la manière dont ces défis seront traités, ni sur comment le gouvernement peut mieux protéger les droits et améliorer les conditions de travail des travailleur-euse-s agricoles migrant-e-s.

Deux autres rapports récents sur l'état de l'agriculture canadienne brossent cependant un tout autre portrait de l'industrie alimentaire canadienne et proposent une voie différente à suivre. À la suite de la rencontre des ministres à St. John’s, la Canadian Organic Trade Association a publié le tout premier State of Organics: Federal-Provincial-Territorial Performance Report (uniquement en anglais). Malgré la croissance à deux chiffres dans l'industrie, ce rapport affirme que les producteur-trice-s biologiques continuent d'évoluer dans un environnement politique complexe et très variable d'une province à l'autre. Il en résulte un ensemble de réglementations et de niveaux de soutien injustes envers les agriculteur-trice-s biologiques et les individus en transition vers la production biologique. Ce rapport cible également le manque de données relatives à l'agriculture biologique comme obstacle au développement de ce secteur.

Parallèlement à ces conversations au niveau national, le gouvernement ontarien traverse un processus de consultation intitulé Des fermes pour toujours qui traite de l’avenir de l’agriculture en Ontario. Sustain Ontario’s New Farmers Working Group a préparé un ensemble de recommandations sur la manière dont la province peut mieux supporter les nouveaux agriculteur-trice-s, en prenant bien soin de souligner l'importance de faire participer tous les paliers gouvernementaux dans l’élaboration d'une stratégie de renouvellement des fermes. Leurs recommandations incluent un financement de base soutenu aux organisations qui assurent la formation des nouveaux fermier-ère-s, le développement d'une marque New Farmer pour diriger les nouveaux agriculteur-trice-s vers des services d'aide gouvernementale et la mise en place d'un comité consultatif pour les nouveaux producteur-trice-s.

Le Réseau pour une alimentation durable, de concert avec de nombreuses autres organisations, réclame une plus grande attention vis-à-vis du renouvellement des fermes dans le prochain CSA. Un plus grand appui est nécessaire pour supporter les nouveaux arrivant-e-s qui désirent faire carrière en agriculture, ainsi que faciliter la transition des vieux agriculteur-trice-s qui comptent prendre leur retraite et protéger l'intégrité de leurs fermes. Ceci n'est pas juste une question de soutien financier, bien que ce dernier représente une partie du problème. Il s’agit également de modifier l’environnement politique afin de reconnaître la diversité des fermes et des agriculteur-trice-s. Pendant que le gouvernement fédéral fait avancer ces deux initiatives réglementaires, les questions qu’il reste à résoudre sont les suivantes: comment le Partenariat canadien pour l’agriculture relatera-t-il à Une politique alimentaire pour le Canada et comment ces initiatives contribueront-elles à régler les problèmes auxquels sont confrontés les agriculteur-trice-s?

Certains détails étant encore inconnus, nous encourageons les membres et alliés du Réseau pour une alimentation durable à contacter leur député parlementaire, les membres du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire et le ministre de l’Agriculture et agroalimentaire afin d’informer ces derniers de leurs priorités en ce qui concerne l’agriculture canadienne dans le Partenariat canadien pour l'agriculture et Une politique alimentaire pour le Canada. Vous pouvez aussi vous joindre à la conversation sur les médias sociaux en utilisant les mots-clics  #PartenariatAgCan et #PolitiqueAlimentaireCanada.

Vous désirez en faire plus ? Allez jeter un coup d’oeil aux Cinq grandes idées pour un meilleur système alimentaire du Réseau pour une alimentation durable, ainsi qu’aux documents utiles à l’organisation d’activités de mobilisation communautaire sur l'avenir alimentaire du Canada. 

 

Network group: