Corriger le tir en alimentation scolaire : Lettre aux médias québécois
Par Thibaud Liné, Nancy Neamtan, Colleen Thorpe et Gisèle Yasmeen
Le 22 août, le ministre de l’Éducation Roberge a annoncé une somme supplémentaire de plus de 1,27 million pour bonifier l’aide alimentaire dans 134 écoles au Québec. Cette décision est la bienvenue à court terme et permet de combler certains des besoins les plus urgents. En même temps, il ne fait que souligner une lacune importante dans les mesures de soutien essentielles à la santé des enfants et la réussite éducative. À la veille des élections fédérales, il est important de faire un petit rappel du retard du Canada dans le domaine de l’alimentation scolaire et d'interpeller les formations politiques sur leurs intentions de corriger le tir.
Peu de gens savent que le Canada est un des seuls pays industrialisés à ne pas avoir de programme national universel sur l'alimentation scolaire. Ce fait n’est pas sans conséquences. Le Canada a récemment été classé 37e, parmi 41 pays, dans une étude de l’UNESCO concernant l'accès des enfants à une alimentation saine.
Au cours des décennies, divers programmes provinciaux, municipaux, privés et communautaires tentent de combler cette lacune par une diversité d’initiatives. Au Québec le programme d’aide alimentaire en milieu scolaire, en place depuis de nombreuses années, ciblent les enfants et les écoles les plus défavorisés. Pourtant il y a encore beaucoup trop d’enfants qui ne mangent pas assez ou qui mangent mal et n’ont pas accès à ces mesures. De plus, les études démontrent que des programmes ciblés ont des effets néfastes reliés à la stigmatisation de faire partie d’un groupe ‘défavorisé’. Ceci est vrai au Québec ainsi qu’à travers le Canada.
Cette situation est inacceptable et pour cette raison, depuis plusieurs années, la Coalition pour une saine alimentation scolaire fait la promotion de l’adoption d’un programme universel de saine alimentation scolaire flexible qui comprends les petits-déjeuners et les dîners en respectant la diversité des approches dans le système d’alimentation scolaire actuel et une approche qui promeut l'éducation culinaire des jeunes. Cette coalition pancanadienne à laquelle adhérent plusieurs organismes québécois propose que le Canada rattrape les autres pays de l’OCDE en mettant en place une politique fédérale de frais partagés. Cette approche permet de tenir compte à la fois d’initiatives publiques et communautaires déjà en cours à travers le Canada ainsi que des enjeux de juridiction, Ainsi, toutes les écoles pourront éventuellement servir aux élèves des repas et collations sains au quotidien, gratuitement ou à un prix modique. Un tel programme doit viser une alimentation durable (incluant entre autres l’offre d’aliments sains, locaux et éco-responsables) qui permet d'avoir des gains pour la santé des enfants mais aussi la santé de la planète.
Le retard du Canada dans ce domaine est aujourd’hui à l’ordre du jour de la politique fédérale. En mars 2019, le budget fédéral a inclut pour la toute première fois un engagement à travailler avec les provinces et les territoires pour le développement d’un programme national d’alimentation scolaire. En juin 2019, la Politique alimentaire, annoncée par la Ministre de l’agriculture Marie-Claude Bibeau, avait comme mesure la création d’un Programme national d’alimentation dans les écoles et engageait le gouvernement à « prendre les premières mesures consultatives, de concert avec les provinces, les territoires, et les organismes à but non lucratif, pour créer un Programme national d'alimentation dans les écoles, afin de contribuer à améliorer la santé de nos enfants d'âge scolaire, ce qui assurera un meilleur avenir pour eux et, en fin de compte, pour notre pays ». Si l’intention est noble, il reste encore l’étape de mise en œuvre.
A la veille de déclenchement des élections fédérales, nous avons pleinement l’intention d'interpeller l’ensemble des formations politiques et solliciter leur appui à un tel programme. Le Ministre Roberge a raison quand il dit que « l’aide alimentaire offerte dans les écoles est essentielle au bien-être et à la réussite des élèves, particulièrement des plus vulnérables ». A notre avis, un programme universel qui ne laisse aucun enfant de côté, peu importe sa situation, est la meilleure façon d’y répondre. Nous avons toutes les raisons de croire que cet objectif est atteignable si le gouvernement du Canada, les provinces, les institutions et les organisations de la société civile collaborent pour relever ce défi essentiel au bien-être, à la santé et à la réussite éducative de nos jeunes. Qu’en disent ceux et celles qui aspirent à former le prochain gouvernement du Canada?
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Signataires :
Thibaud Liné, Directeur général, La cantine pour tous
Nancy Neamtan, Membre du conseil d’administration du Réseau pour une alimentation durable (RAD)
Colleen Thorpe, Directrice générale par intérim, Équiterre
Gisèle Yasmeen, Directrice générale du Réseau pour une alimentation durable (RAD)