3 opportunités après le discours du Trône 2020

JEUDI 1 OCTOBRE, 2020 – 

Mercredi le 23 septembre 2020, la gouverneure générale Julie Payette a prononcé le Discours du Trône pour ouvrir la dernière session parlementaire. Le Discours du Trône consiste, en quelque sorte, en une liste de priorités pour gouvernement fédéral indiquant ses principaux objectifs et ce qu'il espère accomplir. Pendant trop longtemps, le thème de l'alimentation a été laissé de côté dans le discours du Trône, le discours de 2019 ne faisant référence qu'aux agriculteurs et à leur rôle dans le commerce mondial. Cependant, le discours de cette année comportait des mentions substantielles, abordant des sujets tels que l'insécurité alimentaire, les chaînes d'approvisionnement alimentaire et l'agriculture. Cette situation est encourageante, car le mouvement alimentaire et les Canadiennes et Canadiens n'ont cessé de faire valoir au gouvernement que l'alimentation fait partie intégrante de notre pays. Et alors que nous continuons à naviguer dans un monde aux prises avec une pandémie et une crise climatique, il s'agit de l'un des plus puissants leviers de changement et de renforcement de la résilience.

"Le discours de cette année comportait des mentions substantielles, abordant des sujets tels que l'insécurité alimentaire, les chaînes d'approvisionnement alimentaire et l'agriculture."

 

Ce qu’on annonce dans le discours

Nous avons comparé les déclarations et les promesses du Discours du Trône concernant l'alimentation avec les recommandations pertinentes que nous avons présentées dans Accroître la résilience et l’équité, notre plan d'action pour une politique alimentaire durable qui résume les principales demandes du mouvement alimentaire. Nous ferons en sorte que le gouvernement fédéral soit tenu responsable des mesures constructives qu'il promet et nous plaiderons en faveur d'un changement structurel audacieux.

Le gouvernement fédéral s'est engagé à s'attaquer au racisme systémique, et s'est engagé à le faire en s'inspirant des expériences vécues par les communautés racialisées et les peuples autochtones. Ces réalités doivent être au cœur du changement des systèmes alimentaires.

Discours du Trône (septembre 2020)

Recommandations politiques du RAD (mai 2020)

“La Prestation canadienne d’urgence a aidé les gens à rester en santé à la maison et à pouvoir continuer à nourrir leur famille.”

“Tout comme chaque personne mérite un foyer, chacun mérite de pouvoir offrir des repas nutritifs à sa famille.”

Aborder la cause profonde de l'insécurité alimentaire en établissant un revenu minimum vital universel sous lequel personne ne peut tomber, tout en veillant à ce que chacun ait accès à une alimentation suffisante, saine et nutritive.
“Le gouvernement continuera de travailler avec des partenaires, y compris directement avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis, pour combattre l’insécurité alimentaire au Canada.”

Soutenir la souveraineté alimentaire autochtone où les Premières nations, les Métis et les Inuits déterminent leurs propres systèmes alimentaires locaux, en préconisant les politiques qui favoriseront la résilience future.

“Le gouvernement veillera également à ce que les travailleurs des secteurs soumis à la gestion de l’offre au Canada reçoivent un dédommagement plein et équitable par suite des accords commerciaux conclus récemment. Nos familles peuvent se nourrir grâce aux agriculteurs, et nous allons continuer de les aider à réussir et à faire croître leurs entreprises.”

“Reconnaître les agriculteurs, les forestiers et les éleveurs comme des partenaires clés dans la lutte contre les changements climatiques, en soutenant leurs efforts pour réduire les émissions et renforcer leur résilience.”

“Le gouvernement renforcera aussi les chaînes d’approvisionnement alimentaire locales du pays.”

Mettre en place des systèmes alimentaires locaux écologiques et durables qui raccourcissent et diversifient les chaînes alimentaires, revitalisent les communautés, assurent un meilleur accès à des aliments sains et frais, soutiennent les systèmes alimentaires à faibles émissions, renforcent la résilience aux chocs et réduisent les pertes et le gaspillage alimentaires.

“Les travailleurs canadiens et migrants qui produisent, récoltent et transforment nos aliments – des cueilleurs de fruits jusqu’aux gens qui emballent nos fruits de mer – ont fait un travail remarquable pour mettre de la bonne nourriture dans l’assiette des gens. Ils méritent tout le soutien et la protection du gouvernement.”

Prôner un travail décent et une justice pour tous les travailleurs de la chaîne alimentaire en garantissant un salaire et des conditions décentes à chaque travailleur canadien et international du secteur alimentaire, ainsi qu'en répondant aux demandes spécifiques des travailleurs migrants.

 

Aller de l’avant

Si le discours était encourageant, l'engagement exprimé doit se traduire concrètement dans le prochain budget fédéral et les politiques et programmes qui y sont associés. Voici trois grandes possibilités d'amélioration :

1) Programme de saine alimentation scolaire

« Le Discours du Trône s'engage à renforcer les chaînes d'approvisionnement alimentaire locales, à mettre en place un plan d'action féministe pour garantir le maintien des femmes sur le marché du travail et à investir dans la création d'emplois adaptés aux exigences liées au climat. Cette approche est attendue depuis longtemps. Une façon de stimuler la reprise économique, de soutenir les femmes et les familles, ainsi que la santé et le bien-être de tous les enfants, est d'investir dans un Programme de saine alimentation scolaire universel et à frais partagés.

À cette fin, le gouvernement du Canada devrait donner suite à l'engagement qu'il a pris dans le budget de 2019 et respecter la Politique alimentaire pour le Canada visant à mettre en place un Programme national d’alimentation scolaire, en collaboration avec les provinces, les territoires et les dirigeants autochtones, qui investissent déjà considérablement dans l'alimentation scolaire. Avec l'ouverture des écoles, le Canada a plus que jamais besoin d'un tel programme. S'il est bien conçu, ce programme peut servir de solide mécanisme d'approvisionnement institutionnel, ce qui se traduira par de multiples avantages liés à la santé, à la justice sociale, à l'économie et à l'environnement ». - Pour en savoir plus, lire Gisèle Yasmeen, directrice générale du Réseau pour l'alimentation durable, et Debbie Field, coordinatrice de la Coalition pour une saine alimentation scolaire, dans ce numéro du Ottawa Citizen (en anglais).

COMMENT S’IMPLIQUER : Dites à votre député qu'il est temps de créer un Fonds dédié à l’alimentation scolaire pour nourrir nos jeunes. Lors d'une récente réunion avec Ahmed Hussen, Ministre de la Famille, de l'Enfance et du Développement social, ce dernier a insisté sur l'importance de contacter le plus de députés possible afin d'obtenir leur soutien.

 

2) Établir un revenu minimum vital universel sous lequel personne ne peut tomber

Cela peut et doit s'appuyer sur l'augmentation des diverses aides publiques au revenu qui existent déjà, y compris celles utilisées pendant la pandémie (par exemple, la PCU et les crédits d'impôt), le salaire minimum garanti, et d'autres subventions pour les besoins de base comme le loyer, complétées par un revenu minimum garanti universel bien conçu (avec des garanties sociales et un examen public). Bien que le gouvernement se soit engagé à mettre en place un « régime d’assurance-emploi adapté au XXIe siècle, y compris pour les travailleurs autonomes et les personnes qui travaillent dans l’économie à la demande », il s'agit d'une tâche difficile pour garantir qu'aucun travailleur ne soit laissé pour compte.

COMMENT S’IMPLIQUER : Soutenez les campagnes qui réclament un revenu minimum garanti universel (par exemple, UBIworks.ca), ou d'autres campagnes de lutte contre la pauvreté (par exemple, Dignity for All's Chew on This !).

 

3) Se servir de la décolonisation et de l'antiracisme comme d'une lentille pour toutes les politiques et tous les programmes

Le gouvernement fédéral reconnaît que la pandémie a touché de façon disproportionnée les Canadiens racialisés, et il reconnaît le racisme systémique et la nécessité de le combattre. Pour le secteur communautaire, cela s'est traduit par un financement concret des organisations dirigées par des personnes noires pour l'achat d'équipement et la rénovation des espaces de travail. Bien que ce soit un début, un financement plus ciblé est nécessaire, ainsi que des soutiens adaptés aux populations racialisées dans tous les secteurs. Lors de la mise en œuvre de toutes les politiques et de tous les programmes, il convient d'utiliser une optique de lutte contre le racisme et d'équité - Qui pourra accéder à ces ressources et qui ne pourra pas le faire ? Comment pouvons-nous éliminer les obstacles à la participation ? 

Il ne sera pas facile de répondre à ces questions, et il faut davantage de données fondées sur la notion de race, notamment en ce qui concerne l'insécurité alimentaire. La collecte de données doit se faire en consultation avec la communauté concernée et les résultats doivent être partagés de manière à ce que les conclusions leur soient utiles. Le secteur communautaire peut offrir son expertise à cet égard, et il existe des organisations qui demandent déjà la collecte de données basées sur la race, comme la Black Health Alliance. En outre, les Centres communautaires d'alimentation du Canada ont récemment demandé au gouvernement fédéral de travailler en partenariat avec les communautés noires pour créer un fonds destiné à réduire l'insécurité alimentaire des Canadiens noirs.

Revenant au Discours du Trône, le gouvernement fédéral continue de réitérer son intention de travailler à la réconciliation, notamment en mettant en œuvre les appels à l'action de la Commission Vérité et Réconciliation, ainsi que le Plan d'action national en réponse aux appels à la justice de la Commission nationale d'enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. En outre, ils s'engagent à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) d'ici à la fin de 2020. Bien que toutes ces actions soient attendues depuis longtemps, l'esprit et les principes de ces recommandations doivent être appliqués dans l'ensemble des politiques et des programmes, dans tous les différents ministères. Par exemple, le respect et la mise en œuvre de la DNUDPA inclurait le principe du consentement libre et éclairé, et le droit d'approuver ou de désapprouver les incursions sur les terres autochtones. La mise en œuvre de ces accords devrait également être assortie d'un calendrier précis et d'un financement suffisant.

COMMENT S’IMPLIQUER : En savoir plus sur la souveraineté alimentaire des autochtones, par exemple grâce au document d'information « Je mange donc je vote » sur ce sujet. Envisagez de soutenir les efforts visant à renforcer la souveraineté alimentaire, par exemple par le biais du Cercle COVID-19 de réponse à la crise des semences autochtones.

 

Garder l'alimentation sur l'agenda fédéral 

Le discours du Trône a donné le ton et l'orientation pour permettre aux citoyens de demander des comptes aux élus. De plus, en collaborant avec les provinces et les territoires pour faire en sorte que des services de garde d'enfants de qualité soient accessibles à tous, il est possible d'encourager d'autres administrations à s’approvisionner en aliments locaux et durables qui favorisent l'économie locale et contribuent à la santé des prochaines générations. Certaines provinces, comme le Québec, se fixent déjà des objectifs ambitieux pour l'achat d'aliments locaux dans des établissements comme les garderies, visant à ce que 60 % de tous les achats d'aliments soient locaux d'ici 2025.

Le travail du mouvement alimentaire, de la société civile, des universitaires, des agriculteurs, des consommateurs et d'autres acteurs a contribué à maintenir l'alimentation à l'ordre du jour du gouvernement fédéral, suite à la Politique alimentaire pour le Canada annoncée en juin 2019. Cependant, nous devons tous continuer à faire comprendre à nos élus l'importance d'une alimentation saine, juste et durable jusqu'à ce que le gouvernement fédéral donne suite à ses promesses.

D'ici là, notre équipe gardera un œil sur les lettres de mandat des ministres et sur le budget fédéral, qui fourniront tous deux plus de détails sur la manière dont le gouvernement prévoit la réalisation des objectifs fixés dans le discours du Trône - objectifs ambitieux mais indéniablement nécessaires en cette année critique qu'est 2020.