2014 : L’Année internationale de l’agriculture familiale
Par Jan Slomp, Président du National Farmer Union
Le moment est opportun pour déclarer l’an 2014 Année internationale de l’agriculture familiale ! Il est temps pour un virage dans la politique agricole afin de soutenir les cultivateurs familiaux en tant que clé de voûte de l’alimentation, autant animale qu’humaine.
Depuis des décennies, la société s’accroche à l’idéologie de l’agriculture industrielle, dont quelques privilégiés tirent un beau profit au détriment de notre santé, de notre bien-être, de l’environnement et de la planète. Dans un système de production agricole déréglementé et exportateur, l’agriculteur familial conventionnel ainsi que le travailleur migrant sont dévalués et victimisés. Les dettes agricoles précaires permettent la saisie des champs agricoles canadiens par des entreprises étrangères. La division du travail, la gestion et les capitaux de l’agriculture industrielle lui permettent d’abuser des agriculteurs et des travailleurs étrangers temporaires, alors que les fonds destinés aux biens et aux services se livrent dans les poches de l’agro-industrie et non chez les marchands et les distributeurs locaux. Le dépeuplement rural démunit les communautés rurales de leur vitalité et l’écart entre les cultivateurs et les gens s’accroît.
L’agriculture industrielle au Canada ne s’est pas créée toute seule : elle est plutôt le résultat de nombreuses politiques gouvernementales. Prenons pour exemple le mouvement coopératif des Prairies, accompagné d’un système de commercialisation sain et d’un chemin de fer suffisamment réglementé, a jadis facilité l’exportation de grains. Justement ces programmes et ces agences disparaissent en conséquence de politiques propices à une économie de libre-échange à la fois déréglementée et corporatisée. Les conséquences pour les agriculteurs ont été épouvantables. Malgré une exportation accrue, le revenu net chute et la dette totale monte en flèche.
Il y a déjà des variantes à ce modèle dont nous pouvons nous servir. Les gens à travers le Canada se font de plus en plus de soucis quant à la nourriture qu’ils mangent. Ils s’inquiètent particulièrement des effets de la production alimentaire sur la santé et sur le bien-être collectif et écologique. Des agriculteurs innovateurs s’engagent à combler cette demande croissante et établissent ainsi de nouvelles relations avec les « mangeurs », des relations fondées sur la confiance et sur des valeurs sociales et écologiques. Ce sont des modèles pour la souveraineté alimentaire et la politique agroalimentaire canadienne. Des relations semblables se renouvellent dans les quatre coins du monde, proposant des possibilités sans fin et avantageuses pour tous et pour toutes. Les fermes familiales enracinées dans leurs communautés sont essentielles au redressement des rapports entre nos sociétés, nos économies et les écologies... grâce à elles, on rétablit effectivement la culture de l’agriculture.
Au cours des siècles, la sélection végétale a réussi parce que les matériaux génétiques se partageaient librement. Des centaines de générations d’exploitations familiales ont sélectionné et sauvegardé leurs graines, leurs animaux et d’autres espèces vivantes, permettant ainsi la variété énorme d’aliments disponible pour nous aujourd’hui. Pendant des millénaires, le seul but de cette sélection soigneusement effectuée était le bien-être des générations à venir. Malheureusement, la privatisation du germoplasme de nos ancêtres étouffera l’adaptation génétique naturelle des cultures vivrières aux changements climatiques, un processus nécessaire pour le maintien de la diversité génétique, la souveraineté alimentaire et la lutte contre le changement climatique.
Les agriculteurs familiaux canadiens, pourtant, se voient menaçés par le projet de loi omnibus C-18, « la Loi sur la croissance dans le secteur agricole », qui les leurre avec des programmes tels que les paiements anticipés pour des récoltes futures. Le projet de loi prépare le terrain pour que l’Agence canadienne d'inspection des aliments ait l’autorité d’accélérer l’approbation d’additifs, d’alternances et de procédures qui rentreraient dans notre système alimentaire sans révision, à partir de données de recherche industrielle ou par l’approbation de partenaires d’échange. Le projet de loi C-18 assurera l’adoption par le Canada de l’OPOV 1991, un traité international sur les semences qui protège les droits de propriété intellectuelle et rends des mécanismes juridiques à Syngenta, Bayer, DuPont, Monsanto, Dow et à d’autres entreprises semencières et chimiques leur permettant encore davantage de manières d’exiger des redevances des agriculteurs canadiens.
Le Syndicat national des cultivateurs (le « NFU ») mène une campagne pour défaire le projet de loi C-18, nommée « Save our seeds. Protect our food sovereignty » (Sauvons nos graines, protegeons notre souvereinté alimentaire). Tous les Canadiens et toutes les Canadiennes sont invité.es à se joindre à nous, en devenant membres du NFU, en organisant des pétitions ou des lettres envoyées aux députés ou bien en organisant des réunions publiques dans votre communauté. Nous vous fournissons d’une trousse d’informations sur comment organiser une telle réunion et comment y utiliser les pétitions, les cartes postales, les fiches et les diapos PowerPoint. Vous pouvez télécharger la trousse depuis notre site Web : www.nfu.ca. Des membres du NFU se mettent également à votre disposition : sur place ou par téléconférence ou Skype.
Il est temp de nous indigner et défaire le projet de loi C-18, une atteinte aux cultivateurs, aux exploitations familiales et aux écosystèmes dans le monde entier.
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