Budget 2019 : priorités possibles pour la politique alimentaire à venir

Vendredi, 22 mars, 2019 - 15:06

Le Réseau pour une alimentation durable et plus spécialement, la Coalition pour une saine alimentation scolaire, ont des gains importants à célébrer dans le budget 2019 annoncé le 19 mars. Après des années de travail de plaidoyer, une ligne budgétaire est enfin établie pour une « politique alimentaire pour le Canada » avec 134 millions de dollars en financement sur cinq ans dans quatre domaines d’action spécifiques, ainsi qu’un engagement à créer un Programme de saine alimentation scolaire en collaboration avec les provinces et territoires (sans montant d’argent rattaché).

Alors que la politique alimentaire pour le Canada n’est pas encore annoncée, le budget inclut du soutien pour des projets axés sur les aliments locaux et pour les communautés qui s’attaquent à l’insécurité alimentaire dans le Nord, des programmes de réduction du gaspillage alimentaire, et un projet pilote d’immigration facilitant la résidence permanente des travailleurs agricoles étrangers. Ces engagements vont dans le sens des demandes politiques importantes venant du mouvement alimentaire, ainsi que des priorités de certains secteurs de l’industrie agroalimentaire.

Le leadership du gouvernement fédéral à créer un Programme de saine alimentation scolaire en collaboration avec d’autres niveaux du gouvernement est une énorme avancée, l’argument précédent selon lequel le gouvernement fédéral n’a pas juridiction pour l’alimentation scolaire a été abandonné. C’est un hommage aux efforts de campagnes menées par les défenseurs de l’alimentation scolaire depuis des décennies! Espérons que la dynamique créée par ce moment ne sera pas perdue par de longues négociations intergouvernementales résultant en l’absence d’appui pour les groupes communautaires qui fournissent déjà des programmes vitaux dans les écoles à travers le Canada. Nous devons bâtir notre force sur la bonne volonté et l’enthousiasme générée par la Coalition pour une saine alimentation scolaire.

Si ces lignes budgétaires ne sont que les premiers pas d’une politique alimentaire plus ambitieuse qui apporteraient de l’action à travers les départements gouvernementaux, alors nous avons vraiment raison de célébrer. Sans cette politique, ce budget ressemble davantage à un amalgame fragmenté de fonds relativement petits qui découlent presque entièrement du département d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC). Il est inquiétant de constater que, malgré l’appui de plusieurs parties prenantes et la reconnaissance de l’importance de la gouvernance dans le rapport Ce que nous avons entendu, il n’y a aucune mention ou budget prévu pour un mécanisme de gouvernance inclusif, comme le serait le Conseil de la politique alimentaire nationale. Le RAD et d’autres travailleront d’arrache-pied afin d’assurer que la ministre Bibeau réalise ce projet.

 

Ce qui est inclus et ce qui ne l’est pas

Le rapport Ce que nous avons entendu sur les consultations entourant la politique alimentaire nationale organisait les priorités en quatre grandes catégories : la sécurité alimentaire, la santé et la salubrité alimentaire, l'environnement et la croissance économique. Ces champs de travail n’apparaissent pas de manière explicite dans le budget. Nous nous attendons à ce que cette vision élargie, reconnaissant la portée et l’ampleur de la politique alimentaire à travers les départements et silos de travail, guide la politique alimentaire pour le Canada actuelle. Les consultations publiques ainsi que le Comité permanent sur l’Agriculture et l’Agroalimentaire ont tous deux travaillé sur cette base et ont généré de solides demandes pour une approche ambitieuse des systèmes alimentaires.

Ce que nous avons pour le moment est regroupé dans quatre domaines d'action à court terme accompagnés de leur ligne budgétaire -- Aider les communautés canadiennes à accéder à des aliments sains; Faire des aliments canadiens le premier choix au pays et à l’étranger; Favoriser la sécurité alimentaire dans les communautés autochtones et du Nord; Réduire le gaspillage alimentaire. Consultez les détails dans ce graphique de la page 196 du budget (disponible en ligne).

 

Où va l’argent?

Du nouveau montant d’argent annoncé -- 134,4 millions de dollars sur les cinq prochaines années -- 65 million $ est affecté à des fonds dirigés par la communauté et innovants sur le plan social. Nous applaudissons largement cette approche, mais regrettons qu'il n'y ait pas de mesures plus solides ni de liens avec la réduction de la pauvreté. Plus précisément, pour les cinq prochaines années, 50 millions de dollars sont affectés à un fonds pour l’infrastructure des aliments locaux destiné aux groupes communautaires et 15 millions de dollars à des initiatives communautaires pour la sécurité alimentaire dans le Nord.

Ensuite, 20 millions sont affectés à un défi de réduction des déchets alimentaires dans la transformation des aliments, la vente au détail d’aliments et les services alimentaires. Espérons que ce soit un puissant moteur de changement, entre autres pour les institutions telles que les hôpitaux où le gaspillage est un problème bien connu. Et bien qu'il soit pertinent que le gouvernement s'attache à réduire le gaspillage alimentaire dans ses propres installations, il est regrettable que des fonds n'aient pas été débloqués pour soutenir des achats plus locaux et durables par des institutions publiques, une situation gagnant-gagnant qui crée à la fois des gains pour les économies agricoles locales et réduit les impacts environnementaux.

Les priorités en matière d’exportation semblent se refléter dans les 25 millions de dollars alloués à promouvoir l’achat de produits canadiens ici et à l’étranger, ainsi que dans les 24,4 millions de dollars alloués à la lutte contre la fraude alimentaire. En outre, 100 millions de dollars du fonds d'innovation stratégique existant seront dirigés vers les transformateurs d'aliments.

 

Qui détient les budgets?

95 million de dollars des nouveaux investissements sont détenus par AAC, 24,4 millions de dollars sont dans les mains de l’Agence canadienne d'inspection des aliments (fraude alimentaire) et 15 millions pour le Nord détenus par l’Agence canadienne de développement économique du Nord. Cela souligne simplement que les engagements pris à ce jour sont étroits et que nous avons finalement besoin d'une politique alimentaire qui rassemble et harmonise des objectifs ambitieux en matière de santé, de réduction de la pauvreté, d'environnement et de réconciliation. À cet égard, les montants dont nous discutons ici sont minimes par rapport au budget global d'AAC (1,9 milliard de dollars selon les prévisions des dépenses budgétaires pour 2019), sans compter les cibles d’exportation pour l’agriculture et l’agro-alimentaire : notons que les tables de stratégies économiques prévoit une augmentation de 75 à 85 milliards de dollars d’ici 2025.

Deux des engagements les plus importants ne sont en réalité pas financés - le programme national d'alimentation scolaire et le projet pilote d'immigration pour les travailleurs agricoles à temps plein et non saisonniers avec un parcours menant à la résidence permanente. Cette dernière initiative est explicitement liée à la réalisation des objectifs d'exportation.

 

D’autres annonces budgétaires pertinentes

Les compensations pour les secteurs soumis à la gestion de l’offre incluent 2 milliards de dollars en soutien au revenu et 1,5 milliards pour la perte de valeur des quotas, des montants jugés insuffisants par certaines organisations agricoles clés. On fait par ailleurs brièvement mention de la stratégie de Santé Canada en matière de saine alimentation qui inclut le marketing visant les enfants, mais aucune mention explicite de l'étiquetage sur le devant de l'emballage. Ce ne sont que deux des autres questions du budget qui sont importantes pour notre mouvement. Nous nous félicitons certainement du nouvel investissement dans l'infrastructure autochtone et de davantage de soutien pour les aînés.

 


Consultez ci-dessous les commentaires importants de nos membres et sympathisants sur la politique alimentaire et d'autres questions qui ont retenu leur attention dans le budget.

Dans les jours et les semaines à venir, nous tiendrons ce blog et ces liens à jour, tout en analysant et en réfléchissant à ce que tout cela signifie.

Coalition Poids (communiqué de presse)

Community Food Centres of Canada (en anglais)

Ecology Action Center  (communiqué de presse en anglais)

Coeur + AVC (communiqué de presse)

Coalition pour une saine alimentation (communiqué de presse)

Union des producteurs agicoles (communiqué de presse)