L'ICPA parraine le débat national sur le rapport Barton

Mardi, 12 juin, 2018 - 16:14

Par Rhonda Ferguson

L'Institut canadien des politiques agro-alimentaires (ICPA) a tenu sa quatrième et dernière session dans une série de «conversations» sur ce qu'on appelle communément le «rapport Barton», le 10 mai à Ottawa. Cet événement a rassemblé des hauts fonctionnaires de divers secteurs : gouvernement, associations d'industriels et d'agriculteurs, entreprises et organisations non gouvernementales. Un certain nombre d'intervenants de la prochaine génération dans notre système alimentaire étaient présents, se mêlant aux plus expérimentés du groupe. Le Réseau pour une alimentation durable (RAD) était représenté par la directrice générale, Diana Bronson, qui a participé à un panel sur les préférences des consommateurs. Deux sous-ministres (Industrie et Agriculture) étaient présents ainsi que le sous-ministre adjoint de Santé Canada et le président de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

 

Le rapport Barton – du nom de Dominic Barton, président du Conseil consultatif en matière de croissance économique et directeur général de McKinsey Consulting, nommé par le ministre des Finances, Bill Morneau – décrit le potentiel de croissance inexploité du Canada. Il identifie l'agriculture et l'alimentation comme la clé pour réaliser notre potentiel d'exportation. Le rapport dresse la liste des ressources naturelles, y compris la terre, la réputation du Canada en tant que producteurs d'aliments sains et les regroupements géographiques existants dans lesquels la production, l'éducation, l'innovation et le travail sont concentrés  – et les tendances malheureuses de la diminution des terres arables, la dégradation de l'environnement et la demande croissante de protéines animales comme une opportunité.

Le rapport prétend que ces propositions, si elles étaient mises en œuvre, augmenteraient le revenu médian des ménages canadiens de 15 000 $ par année. Cependant, il n'existe aucune stratégie sur la manière dont les objectifs de croissance sectoriels ambitieux se traduiraient par des avantages pour la plupart des gens, en particulier les plus exposés à l'insécurité alimentaire. Les préoccupations concernant la disponibilité et l'accessibilité d'aliments sains et produits de façon durable sont exclues de la modélisation économique utilisée par le Conseil consultatif, malgré les liens étroits entre l'un de ses principaux exemples industriels, l'agriculture et la sécurité alimentaire.

 

 

Comment le rapport Barton devrait-il façonner l'agriculture?

Une question posée à chaque panel - comment le rapport devrait être utilisé pour façonner l'agriculture dans ce pays - a été vue avec différents points de vue, comment améliorer les rendements, le besoin de plus de produits à valeur ajoutée et l'importance de monétiser la confiance publique. Diana Bronson a soutenu que le rapport Barton devrait être «mis à sa place» - c'est une stratégie pour la croissance économique, pas le remplacement d'une politique alimentaire globale. Dale Worme, directeur général de la National Indigenous Agriculture Association, a souligné l'importance de la participation des peuples autochtones à la transformation du secteur agroalimentaire en améliorant la coopération, en mettant davantage de ressources financières à la disposition du public et en favorisant la prise de décision. Bien qu'il y ait eu quelques références à la très attendue Politique alimentaire pour le Canada, la relation entre celle-ci et les idées envisagées par le rapport Barton était absente de la plupart des échanges de la journée. Il y a eu relativement peu de discussions sur les compromis possibles entre l'intensification de la production agricole pour l'exportation et la durabilité globale de notre système alimentaire.

 

Le developpement durable : plus qu'une stratégie marketing 

Le renforcement de la confiance du public, la commercialisation de la sécurité et de la durabilité de nos produits agricoles ont été des thèmes abordés lors de la plupart des tables rondes, même s’il manquait une discussion approfondie sur la sécurité alimentaire à long terme au pays et dans les pays importateurs. Le rapport note cependant un scepticisme croissant à l'égard du commerce dans certaines parties du monde, au lieu de poser les vraies questions sur la meilleure façon de l'utiliser pour que les gens en bénéficie, nous nous concentrons sur la monétisation de la confiance et du développement durable. Le commerce a toujours été un aspect important de la sécurité alimentaire, mais il faut se demander : quel est l'intérêt d'un commerce accru de produits agroalimentaires si les moyens par lesquels cela est réalisé menacent la production à long terme ou l'accès à la nourriture pour les Canadiens ou les pays importateurs? Comme l'a noté Diana Bronson, il y a une différence entre considérer la croissance économique comme un moyen et une fin en soi. La production et le commerce durables doivent être des processus utilisés pour le bénéfice de la terre et de ses habitants, et pas simplement comme un moyen d'augmenter la part de marché.

 

Plus de voix à la table 

C'est là que le rapport rate la cible et où, peut-être, nous avons raté l'occasion d'avoir une discussion plus approfondie. S'il y a vraiment une conversation nationale sur l'avenir de l'agriculture dans ce pays, il faut que toutes les parties prenantes y participent. Actuellement, les modes de production agricole provenant des peuples autochtones sont sous-financés, la gestion de l'environnement et la communauté, ainsi que les préoccupations plus larges de la société civile, sont écartés, tandis que les entreprises de production à grande échelle reçoivent une attention et des ressources disproportionnées des créateurs de politiques.De plus en plus, le Réseau pour une alimentation durable est invitée à participer à certaines de ces conversations qui auparavant n'impliquaient que l'industrie et le gouvernement. Toutefois, les perspectives de la société civile ne sont pas encore pleinement intégrées dans la façon dont l'avenir de l'agriculture est défini. Jusqu'à ce que nous soyons vraiment en mesure d'avoir une conversation sur l'avenir de l’alimentation au Canada, le programme de politique alimentaire risque d'être mis de côté par un programme économique étroit qui ne servira en rien la plupart des Canadiens et des Canadiennes.

 

 

Le rapport des consultations de l'ICPA est prévu pour la mi-juin.

 

 

Rhonda Ferguson s'est récemment jointe au Réseau pour une alimentation durable en tant que boursière postdoctorale avec le professeur Charles Levoke de l'Université Lakehead.