Confiance du public en matière d’alimentation, profits privés et volonté politique

Dans un rapport publié en fin mai, il est indiqué que la majorité des Canadiens ne croient pas que notre système alimentaire suive la bonne direction.

Par Diana Bronson - Directrice générale du RAD


Dans un rapport publié en fin mai, il est indiqué que la majorité des Canadiens ne croient pas que notre système alimentaire suive la bonne direction – une évaluation que partage entièrement le Réseau pour une alimentation durable (RAD). Cependant, décider exactement ce qu’il faut faire pour créer un système alimentaire dont nous pouvons être fiers s’avère particulièrement complexe. Est-ce qu’un changement  de fond est nécessaire (nous croyons que oui) ou est-ce que les Canadiens sont induits en erreur et ont tort d’être inquiets (comme l’indique le rapport)? Alors que le Canada se prépare à élaborer sa première politique alimentaire pan-canadienne, il s’agit d’un enjeu majeur pour un débat public : en qui pouvons-nous avoir confiance en matière d'alimentation?

Divers organismes cherchent à peser dans le débat . L’Institut canadien des politiques agroalimentaires a tenu un forum à ce sujet en novembre dernier. La Fédération canadienne de l’agriculture a travaillé sur l’établissement d’un permis social. Le nouveau Centre canadien pour l’intégrité des aliments et Soin de ferme et alimentation Canada ont récemment organisé un sommet de la confiance du public à Ottawa. Le Centre canadien pour l’intégrité des aliments est un organisme équivalent à son homologue américain, celui que Sourcewatch définit comme étant « une façade d’un groupe de l’industrie ». Ironiquement, le public ne peut pas faire confiance aux auteurs d’un rapport consacré à la confiance du public.

Résultats des rapports sur la confiance du public

Le sommaire du rapport sur l’opinion publique met en lumière une méfiance marquée surtout chez les mères, la génération Y (ou les enfants du millénaire) et les « foodies ». Il porte une attention particulière à ces trois groupes puisque moins du tiers d’entre euxcroient que le système alimentaire « se dirige dans la bonne direction ». L’augmentation du coût de la nourriture et les difficultés d’accès aux  aliments sains étaient classées parmi les enjeux inquiétants, voire plus importants que le coût des soins de santé ou d’autres enjeux économiques généraux (quoique le rapport néglige de mentionner que le coût des soins de santé est intimement lié aux maladies chroniques relatives aux régimes alimentaires, mais ça, c’est pour un autre article…).

Alors qu’on y souligne une préoccupation croissante du prix de la nourriture, les consommateurs sont certainement préoccupés par d’autres aspects de notre système alimentaire tels que le bien-être des animaux, l’usage des pesticides et des cultures génétiquement modifiées.

En effet, plus de 40% des répondants étaient préoccupés par ces enjeux. Dans la plupart des cas, les femmes étaient plus préoccupées que les hommes. Notamment, les Canadiens font plus confiance aux fermiers individuels qu’aux entreprises de l’industrie ou au gouvernement.

Ce rapport vient confirmer à plusieurs égards les inquiétudes que le mouvement alimentaire souligne depuis des années. Pourtant, sa lecture perturbe, puisque son objectif principal vise à conseiller les entreprises sur comment bâtir une meilleure confiance dans le système alimentaire sans véritablement changer aucune des pratiques qui ont suscité une montée de cette méfiance généralisée.

Le rapport souligne que, « ce n’est pas seulement pour donner aux consommateurs plus de science, de recherche et d’informations. C’est pour démontrer que vous partagez leurs valeurs en ce qui a trait à des sujets qui leur tiennent à cœur – l’alimentation saine et abordable, la qualité nutritionnelle, le bien-être animal et la gestion de l’environnement ».

Cela sonne davantage comme une tentative des grandes compagnies de passer à l’offensive par l’entremise des relations publiques que d’une étude légitimement soucieuse de comprendre la rupture de confiance. Le public devient de mieux en mieux informé, sceptique et exigeant en matière d’alimentation, et rien ne laisse croire qu’il se ferait duper par une simple stratégie de communications.

Formuler une politique publique nationale nécessite la participation du public

Alors que nous en sommes au tout début de l’élaboration d’une nouvelle politique alimentaire pour le Canada, les fonds publics seraient mieux dépensés dans la recherche consacrée à ce qui préoccupe les Canadiens concernant leur système alimentaire, puis de rendre ces résultats accessibles au grand public et ce, de manière complète (comme c’est le cas des recherches sur l’opinion publique). Ainsi, le gouvernement pourra s’asseoir avec toutes les parties prenantes, pas seulement l’industrie, afin de voir comment adresser ces inquiétudes et d’autres dont le public n’est pas au courant.

Les Canadiens ne vont pas se satisfaire d’acheter dans des entreprises qui prétendent partager leurs valeurs : ils veulent acheter dans des entreprises qui mettent ces valeurs en pratique dans la façon dont elles traitent les gens, les animaux et l’environnement. Et ils s’attendent à ce que le gouvernement adopte des politiques publiques, des programmes et des règlements qui garantiront le respect de ces valeurs.

Lisez le rapport complet (en anglais) :

2016 Canadian Public Trust Research Report

June 2016 - The new Canadian Public Trust research highlights the rising cost of food and access to healthy affordable food as two top concerns for Canadians, above concerns for health care or the economy.

 

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