Dépêche du mouvement alimentaire : Wade Thorhaug, centre alimentaire communautaire Qajuqturvik
Nous nous sommes entretenus virtuellement avec Wade Thorhaug, directeur général du centre alimentaire communautaire Qajuqturvik à Iqaluit, au sujet des plus grands défis à la sécurité et à la souveraineté alimentaires dans la communauté. Le centre alimentaire communautaire Qajuqturvik, situé à Iqaluit au Nunavut, a pour mission de renforcer la santé, l'appartenance et la souveraineté alimentaire en utilisant le pouvoir de la tradition et de la communauté.
La souveraineté alimentaire dans le Nord
Selon La Via Campesina, la souveraineté alimentaire est « le droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée, produite selon des méthodes écologiques et durables, et leur droit à définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles ». Si cela évoque souvent des images de fermes locales débordant de produits, la signification de la souveraineté alimentaire dans le Nord est tout à fait différente mais non moins riche. Bien qu'il n'y ait pas de système agricole local solide dans le Nord, il y avait, selon Wade, « une culture alimentaire très riche qui soutenait essentiellement les besoins alimentaires du peuple [inuit] qui existait avant la période coloniale ».
Le système alimentaire local au Nunavut fonctionne différemment de celui du Sud. Alors qu’au Sud les producteurs de denrées alimentaires sont payés pour le travail qu'ils effectuent et que des subventions ou des systèmes de gestion de l'offre sont appliqués au profit de l'agriculture et des produits laitiers par le gouvernement du Canada, les chasseurs n'ont pas le même accès à l'aide financière. Wade explique que « les chasseurs travaillent très dur pour fournir gratuitement de la nourriture à leur communauté [dans le Nord], mais ne reçoivent que très peu d'aide financière en retour ».
« Les chasseurs travaillent très dur pour fournir gratuitement de la nourriture à leur communauté, mais ne reçoivent que très peu d'aide financière en retour. »
Au centre alimentaire communautaire de Qajuqturvik, ils se posent des questions telles que « Comment soutenir les chasseurs, et quel type de cadre ou d'infrastructure est nécessaire pour mieux distribuer ce qu'ils produisent ? »
Wade indique qu'il y a une forte demande pour la nourriture traditionnelle (viande chassée) au Centre alimentaire communautaire de Qajuqturvik. « Cette année, nous avons commencé à distribuer de la nourriture traditionnelle en plus d'autres denrées périssables, en collaboration avec notre banque alimentaire locale, et cela a été très bien accueilli », a-t-il déclaré. La nourriture locale est aussi généralement plus dense sur le plan nutritionnel et plus pertinente sur le plan culturel pour la communauté inuit, selon Wade.
Il croit que les gens du reste du pays ont souvent une vision erronée de la chasse, qu'il s'agit simplement d'un passe-temps ou d'un loisir. Cela pourrait très bien être un moyen de subsistance viable, une profession, pour ceux qui vivent dans le Nord, « nous devons juste cultiver cela davantage », a déclaré Wade.
En outre, lorsque la question du coût élevé des aliments et de l'insécurité alimentaire dans le Nord est abordée dans les médias, la réaction est souvent la suivante : « Bien sûr, les choses coûtent cher, on ne peut pas faire pousser de nourriture là-bas ». Cependant, « c'est ignorer le fait qu'il y a eu des décisions très conscientes de la part du gouvernement fédéral, qui est essentiellement une puissance coloniale, de limiter l'accès des gens aux aliments locaux et c'est vraiment le problème de fond ici ».
La pauvreté comme problème de fond
Un pourcentage élevé de la population du Nunavut vit avec un soutien au revenu. Au Nunavut, l'aide au revenu ne couvre pas les frais de logement et s'élève à environ 650 dollars par mois pour une personne, malgré le coût élevé de la vie.
Depuis le début de la pandémie de Covid-19 en mars et la mise en place de la prestation canadienne d'urgence (PCU), Wade signale que le programme d'accès à la nourriture du centre alimentaire communautaire de Qajuqturvik a connu une « chute considérable ». La PCU, qui s'élève à 2 000 $ par mois pour les Canadiens admissibles, comporte relativement peu d'obstacles à l'accès, et est bien plus que ce que de nombreuses personnes reçoivent actuellement du gouvernement territorial.
Wade dit espérer « que le gouvernement territorial reconnaisse que 2 000 dollars par mois est un chiffre beaucoup plus approprié pour quelqu'un que 650 dollars par mois, et qu'il ajuste son programme de soutien au revenu en conséquence ». Il rappelle que « cette année, nous avons pu constater de manière très frappante que le revenu est vraiment le principal facteur d'insécurité alimentaire et, par conséquent, celui qui détermine le nombre de personnes ayant recours à nos services ».
Autres ressources
Wade insiste par ailleurs sur le fait qu'il n'est pas originaire du Nunavut, et qu'il est donc important de lire directement des experts du Nord ou de la région. Pour plus de ressources, consultez les sites suivants :
- An Inuit-Specific Approach for the Canadian Food Policy produced by Inuit Tapiriit Kanatami
- Food Sovereignty and Harvesting by the Qikiqtani Inuit Association
- Arctic Institute of Community-Based Research in the North
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Cette entrevue a été réalisée dans le cadre des travaux du Réseau pour une alimentation durable, qui permettent d'étudier les manières dont le Canada peut atteindre ses objectifs de développement durable (ODD). Pour en savoir plus sur les ODD, veuillez consulter la page suivante.
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