Une discussion sur le film « Food for the Rest of Us » avec Rachel Cheng, Dimitri Esperance, et Gorana Govedarica

À la fin du mois de mai, le RAD a organisé une projection du film Food for the Rest of Us. Ce film de style documentaire pose un regard intime sur quatre projets locaux qui améliorent la vie de leurs communautés à travers l'alimentation et l'agriculture. Après la projection, nous avons invité trois acteurs du changement - Rachel Cheng, Dimitri Espérance et Gorana Govedarica - à participer à une discussion sur les thèmes abordés dans le film. 

Ayant vécu leurs propres expériences uniques avec ou au sein d'initiatives alimentaires locales, les trois panélistes ont parlé des défis, des opportunités et du pouvoir d'agir de tels projets. 

Voir la discussion au complet.

Vous trouverez ci-dessous quelques-uns des enjeux clés soulevées lors de la discussion. Dans le but d'amorcer de réels changements et de tenir nos gouvernements responsables de leurs actions, nous avons inclus des encadrés qui traitent ces enjeux dans le contexte des Objectifs de développement durable

 

Les panélistes et leur implication dans le mouvement alimentaire

Rachel Cheng travaille dans plusieurs organismes communautaires, dont le Fonds de secours pour les travailleurs et travailleuses en restauration de Montréal et l'OBNL Nourrir Leadership. « L’alimentation, c’est l’optique avec laquelle je vois le monde ». Rachel a également lancé une série d'événements intitulée Race x Food, qui met en place un forum pour parler de l'intersection des héritages culturels et de la nourriture. 

Dimitri Espérance est le cofondateur et directeur général du Collectif La DAL, un collectif des résident(e)s de Saint-Henri qui a vu le jour en mai 2020 grâce à une pétition lancée par Dimitri afin de lutter contre la situation d’insécurité alimentaire qui prévaut dans la partie Ouest du quartier. « C’est le besoin de ma communauté qui m'a amené à prendre cette responsabilité actuelle », partage-t-il. 

Gorana Govedarica, modératrice de la discussion, est chargée de projet du Forum sur les Systèmes alimentaires territoriaux (SAT) et s’investit dans le milieu des systèmes alimentaires durables et équitables depuis sept ans. Elle a travaillé et collaboré avec plusieurs acteurs clés du système alimentaire local et national, dont le Réseau pour une alimentation durable. 

 

Augmenter le pouvoir d’agir des initiatives qui transforment notre système alimentaire

Le film “Food for the rest of Us” nous emmène à la rencontre de quatre initiatives alimentaires locales: un projet d'aquaculture menée par un agriculteur urbain à Kansas City ; une serre communautaire produisant des produits frais dans les Territoires du Nord-Ouest ; un programme de stages enseignantaux jeunes autochtones comment produire des aliments de manière durable ; et les ateliers d’abattage d’une femme shochet dans le Colorado. Rachel et Dimitri, ayant fondé ou travaillé pour des initiatives aux objectifs similaires, connaissent de première main les défis auxquels de tels projets sont confrontés - et, inversement, les conditions qui leur donnent plus de pouvoir.

Interrogée sur la manière dont de telles initiatives peuvent devenir plus puissantes et nombreuses, Rachel mentionne qu'une solution unique, ou “one-size-fits-all” aux enjeux de sécurité alimentaire et de souveraineté alimentaires serait vouée à l’échec. "Il est essentiel que chaque initiative ou projet alimentaire soit ancré dans la communauté". La solution "one-size-fits-all" est d'ailleurs contesté à travers le film

Rachel aborde également le sentiment de compétition qui existe entre les organisations à but non lucratif en alimentation dû au peu de financement qui leur est disponible. “Pourtant, toutes ces initiatives demeurent essentielles et doivent exister.” Selon elle, la collaboration, la générosité et le partage de ressources permettraient d’augmenter l’impact et assurer la pérennité de ces projets.

La compétition entre organisations alimentaires, c’est quelque chose à laquelle Dimitri a dû faire face depuis la création de la DAL. Les initiatives plus jeunes ont moins de capital, de ressources et de liens avec les pouvoirs publics pour croître - voir même survivre. Un financement supplémentaire, accompagné d'une meilleure compréhension des types d'initiatives alimentaires qui existent, peut renforcer les collaborations entre les organisations communautaires. “De comparer une épicerie - qui, [à terme], est un commerce -, à une banque alimentaire - qui a la possibilité d’être subventionnée pour recevoir de la nourriture : ce n’est pas la même chose."

 

L’antiracisme au centre du travail sur l’alimentation

Dans les portraits qu'il dresse de chaque initiatives, le film considère l'histoire du racisme et de la colonisation qui a conduit les communautés dépeintes au point de rupture. Il souligne ainsi les effets insidieux du racisme systémique.

“L’alimentation, c’est un système,” explique Dimitri. "Cette perspective permet de rendre compte que certains en bénéficient et d’autres en sont oppressé". 

Rachel ajoute qu’il “[e]st impossible de changer le système alimentaire sans changer des bases qui sont racistes, qui discriminent contre certaines personnes”. Elle partage qu’elle s’est joint au mouvement alimentaire pour lutter contre les changements climatiques - mais qu'elle s’est vite rendue compte qu’il est impossible de travailler en alimentation sans tenir compte des éléments systémiques qui nuisent à tant de personnes dans nos communautés.

 

Reconnaître l'alimentation comme un droit fondamental

Reconnaître l'alimentation comme un droit fondamental impliquerait que le gouvernement sera enfin tenu responsable du sous-financement des organisations alimentaires, ainsi que du niveau inacceptable d'insécurité alimentaire et de pauvreté qui existe aujourd'hui. Soit le gouvernement portera ces initiatives à l’échelle nationale, « soit il donnera les moyens aux communautés de faire ce qu’il aurait dû faire à la base », dit Dimitri.

Rachel ajoute qu'une optique de justice sociale, qui implique d’identifier les personnes, les entreprises et les institutions qui détiennent le plus de pouvoir dans notre société, est essentielle pour comprendre comment nous pouvons parvenir à un système alimentaire plus juste, sain et durable. “Si nous sommes tous d'accord pour dire que personne ne devrait se coucher le soir en ayant faim, je voudrais alors demander à ceux qui ont le plus de ressources et de pouvoir comment ils voudraient s'organiser pour que nos besoins de base soient comblés et qu’on ait tous le droit à l'alimentation.”

Cet article ne reflète que quelques bribes d'une conversation plus large et profonde sur les défis et les catalyseurs des initiatives alimentaires locales, le rôle de l'antiracisme dans le mouvement alimentaire, et la reconnaissance de l'alimentation comme droit humain fondamental. Nous vous encourageons à regarder la vidéo pour découvrir tout ce que Rachel, Dimitri et Gorana avaient à dire sur ces questions et d'autres sujets liés à l'alimentation. 

Si vous souhaitez en savoir encore plus, nous vous invitons à consulter les liens-ressources présentés dans l'encadré ci-dessous ou à nous écrire directement à l'adresse juliette@foodsecurecanada.org pour nous faire part de vos questions ou de vos attentes.

POUR EN SAVOIR PLUS

 
Liens vers les contenus mentionnés lors de la discussion
Pour en savoir plus sur le rôle du mouvement alimentaire dans l'atteinte des ODD, cliquez ici
 
Articles, livres ou vidéos sur les intersections entre l'alimentation et la race