La politique alimentaire en question: de l’innovation sans nouveauté?
Le 6 avril 2017
L'agriculture et le secteur agro-alimentaire profitent en ce moment d’un regain d’attention. Premièrement, le Conseil consultatif en matière de croissance économique les ont désignés comme un secteur porteur de l'économie dans le rapport Barton. Par ailleurs, l'Institut canadien des politiques agroalimentaires et le Forum des politiques publiques du Canada ont organisé une série de rencontres à travers le pays, réunissant par la même les principaux dirigeants de l’industrie alimentaire avec d’autres parties prenantes, pour discuter des enjeux soulevés par le rapport Barton et de ce qui devrait être entrepris pour saisir cette opportunité de croissance économique. Enfin, au cours d’un budget sans surprise, le ministre des Finances Bill Morneau a identifié l’agriculture et l’agro-alimentaire comme un secteur crucial pour le développement et l’innovation au pays.
Qu’entendons-nous par innovation?
Au cœur des conversations se trouve la question de savoir ce que définit l’innovation. Dans le budget fédéral et le rapport Barton, l’innovation est définie de façon étroite comme le développement de technologies qui doteront les grandes entreprises d’un avantage compétitif sur le marché international. Par exemple, il est souvent question de “climate smart agriculture”, que l’on pourrait traduire comme une gestion raisonnée de l’agriculture face au changement climatique. Mais ce terme peut aussi être interprété comme une invitation à renforcer le marché des fertilisants et pesticides, sans aucune référence à des pratiques agroécologiques ou d’agriculture durable. Limités par des perspectives aussi étriquées, c’est le genre d’innovation que certains fermiers et petites entreprises risquent de mener systématiquement à travers le pays.
L’innovation a été un thème central de l’assemblée du Réseau pour une alimentation en 2016. Une séance plénière y a été intégralement dédiée pour permettre d’aborder l’innovation non pas seulement comme une opportunité de développement technologique, mais aussi comme un moteur d’innovation sociale, illustrée par des agriculteurs faisant la démonstration de méthodes de faible technologie, lucratives, et à haut rendement.
Lors d’une récente séance organisée par the Lawson Foundation et Community Foundations of Canada à Toronto, Rodney Contois et Shaun Loney (auteur du livre An Army of Problem Solvers) ont parlé avec éloquence de cette question. Dans la communauté de Garden Hill au Manitoba, une ferme maraîchère prospère offre des emplois et des formations agricoles, tout en approvisionnant la communauté d’aliments frais. Pourtant, elle ne reçoit aucun soutien du gouvernement qui s’efforce de rendre plus accessible l’alimentation dans le Nord. À la place, les fonds publics passent par les magasins Northern, qui a un quasi-monopole dans plusieurs communautés nordiques et est loin d’être innovateur pour tout ce qui a trait au soutien à la sécurité et la souveraineté alimentaire.
Pendant que le Conseil consultatif en matière de croissance économique soulignait à juste titre l’opportunité de l’alimentation en termes de développement économique, qui fournit un emploi sur huit au pays, le Réseau pour une alimentation durable a organisé plusieurs réunions de travail au sujet de la politique alimentaire nationale. Nous avons engagé des discussions avec des membres du gouvernement fédéral issus de plusieurs départements, des alliés du secteur universitaire et nos organisations membres, pour concevoir notre plan d’engagement du public tout en cherchant à obtenir le soutien de nouveaux membres, de bailleurs de fonds et de tous ceux qui pensent que les citoyens ont un rôle important à jouer pour rendre notre système alimentaire plus sain, équitable et résilient. Récemment, nous avons rassemblé des agents du gouvernement et des experts à l’université de Guelph pour s'entendre sur une base commune en matière de politique alimentaire.
Par ailleurs, nous avons fait circulé une ébauche de document de travail parmi nos membres afin de cadrer le débat de la politique alimentaire autour des problématiques de santé, d’insécurité alimentaire et de protection de l’environnement, au même titre que la croissance économique. Vous n’êtes pas encore membre? La version finale du document de travail sera bientôt disponible au public mais si vous souhaitez recevoir la version actuelle, et nous envoyer vos commentaires, vous pouvez devenir membre du RAD ici.
Une approche innovante de la politique alimentaire
Assurons-nous, lorsque nous parlons d’innovation, de ne pas laisser de côté ceux qui détiennent les clés d’un système alimentaire équitable et durable.
Au cours des prochains mois, de nombreuses opportunités vont se présenter pour décider des thèmes principaux et des options politiques qui se présentent à nous. La politique alimentaire nationale peut allier des enjeux de croissance et d’innovation avec la santé, l’équité et la durabilité. Le Réseau pour une alimentation a bon espoir que le gouvernement fédéral va soutenir une démarche innovante d’engagement du public autour de la politique alimentaire, capable d’accorder de la valeur à un large éventail d’idées. Nous lui avons adressé une proposition de collaboration en ce sens.
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