Le Conference Board du Canada dévoile sa stratégie sur l’alimentation

Par Kathleen Gibson, membre du CA du RAD, Victoria CB

 
En tant qu'organisation ayant un intérêt actif dans une politique alimentaire nationale au Canada, le RAD a observé et parfois participé au progrès de la stratégie alimentaire canadienne du Conférence Board du Canada (CBDC). Ce travail a été entamé en 2010.
 
Le CBDC a publié 19 articles de recherche et a mené un processus de consultation nationale sur la base d'un sondage en ligne. Il a tenu deux conférences nationales "Sommet de l'alimentation" et est sur le point de dévoiler sa stratégie complète au troisième sommet les 18 et 19 mars 2014, à Toronto. 
 
Sur leur site internet et sous l'onglet Sommet 2014, le Conference Board propose le raisonnement suivant pour le développement de sa stratégie canadienne des aliments (en anglais):
Il y a une nouvelle urgence de sauvegarder et de préserver la santé et la rentabilité des producteurs, fabricants, expéditeurs, négociants, distributeurs et détaillants dans le système alimentaire du Canada, qui sont cruciales pour assurer la qualité, la salubrité et la sécurité de l'approvisionnement alimentaire pour les Canadiens. L’appétit est de plus en plus grand pour une stratégie nationale pour l'alimentation - une grande vision qui relie les parties et les intervenants du système alimentaire et qui peut guider et stimuler les efforts visant à le changer.
 

Le processus du Conference Board est basé sur ​le secteur de l'alimentation industrielle et créé pour ce dernier. Il est légitime et utile pour ces parties d'explorer et d'exprimer leurs points de vue dans le système alimentaire national. Cependant, leur processus omet de nombreuses options, questions et perspectives politiques venant de la société civile. Cela a été souligné dans une lettre d’opinion, que nous avons publié l'an dernier ainsi que lors de l'évènement Dégustation de démocratie alimentaire mettant en vedette certaines des voix qui ne seront pas entendues lors du Sommet (bien que l'un des intervenants, Don Mills de Local Food Plus, aura effectivement une plate-forme cette année).

Trois autres documents nationaux de stratégie alimentaire ont été publiés en 2011 tandis que le processus du CBDC se mettait en route. Le Réseau pour une alimentation durable, après une consultation auprès de 3500 Canadiens et Canadiennes, a publié Du pain sur la planche, identifiant cinq orientations clés de la politique : l’alimentation locale, la production écologique, l'élimination de la pauvreté, une stratégie nationale pour l’alimentation des enfants, et la participation des citoyens à part entière dans le développement de la politique alimentaire. La Fédération canadienne de l'agriculture (FCA) a publié ‘Vers une stratégie nationale de l'alimentation’, et l’Institut canadien des politiques agroalimentaires (ICPA) a publié La destination du secteur agroalimentaire canadien: une nouvelle approche stratégique.
 
Nous avons le sentiment qu’au fil du temps, certains observateurs du gouvernement et certains de ses propres commanditaires sont devenus désabusés par le processus et les produits du CBDC. En effet, l'enquête et le processus de consultation connexes menés en 2013 ont été critiqués pour leur caractère limité et leur contenu biaisé. L'un des défauts les plus importants de la consultation a été qu'un groupe particulièrement diversifié de participants du système alimentaire ait été rassembler pour une discussion en face à face, mais sans avoir le temps de réellement participer à des échanges de vues ouverts.
 
Dix-neuf documents de recherche sur les politiques ont été publiés. Dans l'ensemble cependant, il y a des manques et beaucoup de connexions ne sont pas faits au niveau de la recherche. Nous tenons à réitérer que non, la sécurité alimentaire ne se limite pas seulement à l'accès à la nourriture; qu'une bonne nutrition n'est pas seulement basée sur les choix des consommateurs; que l'alphabétisation alimentaire n'est pas seulement sur la nutrition et l'agriculture n'est pas seulement à propos de l'efficacité. Il n'y a aucune discussion sur les échecs de la politique sociale résultant d’une situation où les gens dans la pauvreté sont coincés avec de la nourriture de piètre qualité, ou la perte de connexion avec une nourriture culturellement appropriée - en particulier chez les autochtones, les aliments étant un facteur dans la maladie chronique ; ni sur la «colonisation» de la nourriture et de ce que cela signifie pour la récupération culturelle ; ni sur la sécurité alimentaire en tant que déterminant social de la santé ; ni sur l'agro-écologie et une approche multifonctionnelle de l'agriculture ; ni sur les nouvelles technologies alimentaires et les moyens de les évaluer ; ni sur la durabilité du lieu et de la nécessité de mettre en place et de protéger les sols et les ressources en eau, en particulier à la lumière du changement climatique, ou encore sur la souveraineté alimentaire au niveau personnel, communautaire ou national : la question est de savoir qui décide de notre subsistance.
 
Ce sont quelques-unes des discussions auxquelles le Réseau pour une alimentation durable veut prendre part dans un contexte de politique publique. Nous devons prendre en compte les aspects écologiques, culturels et de justice sociale de la nourriture, qui ont une résonance au-delà des intérêts économiques et du paradigme "plus c’est gros, mieux c'est". Chaque transaction de nourriture a des impacts multiples. C'est pourquoi le document de recherche le plus important du groupe est sans doute celui sur les indicateurs de performance : nous ne pourrons voir et évaluer ce que nous pouvons mesurer. 
 
En Décembre 2013, Diana Bronson, directrice exécutive du RAD a été invité par l'Université Carleton à participer à une table ronde sur la politique alimentaire nationale avec Michael Bloom du CBDC, Terry Audla de l'Inuit Tapiriit Kanatami et Ron Bennett de la Fédération canadienne de l'agriculture devant un public d'universitaires, de parlementaires et d'autres. Cette discussion rassemblant différents acteurs est le genre de débat que nous devons avoir afin d’établir une politique alimentaire digne de ce nom.
 
Alors que la Stratégie alimentaire canadienne trouve sa place parmi les diverses autres politiques alimentaires proposées, nous espérons, au fur et à mesure de cette progression, avoir d’avantages de discussions approfondies et exhaustives ainsi que d’avantage d’opportunités pour établir un dialogue à grande échelle sur une politique alimentaire nationale au Canada.