Le nouveau rapport parlementaire sur la politique alimentaire reprend plusieurs propositions du RAD

Mercredi, 13 décembre, 2017 - 16:15

Le rapport sur la politique alimentaire pour le Canada du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire envoie un message clair en reconnaissant le droit à l’alimentation et en demandant la création d’un organisme consultatif national de la politique alimentaire, mais rate la cible en ce qui concerne l’insécurité alimentaire des communautés nordiques et autochtones et le virage vers une alimentation plus saine et durable.

 

Qu’est-ce que le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire?

Ce rapport a été publié par le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes, lequel est composé de membres du Parlement provenant de différents partis du gouvernement, proportionnel à leur représentation globale. Le Comité a tenu des audiences en septembre et octobre dans le cadre de l’étude de Une politique alimentaire pour le Canada. Au total, le Comité a entendu des témoignages de 52 témoins et reçu 14 mémoires. Une copie des mémoires ainsi que la liste des témoins sont incluses à la fin du rapport du Comité.

Indépendamment de ce rapport, le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire (AAC) publiera en décembre le rapport Vous nous avez dit résumant les commentaires fournis par les Canadien-nes dans le cadre du sondage en ligne et des nombreux évènements de mobilisation communautaire.

 

Le 11 décembre dernier, après avoir étudié pendant plusieurs mois des témoignages et des soumissions de divers intervenants, incluant le Réseau pour une alimentation durable et plusieurs de ses partenaires organisationnels, le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire a publié le rapport sur Une politique alimentaire pour le Canada. Bien que la politique, qui doit être annoncée au printemps, soit encore en développement, ce rapport donne un appui parlementaire à plusieurs des idées centrales du Réseau pour une alimentation durable.

Lors de la présentation du Réseau pour une alimentation durable devant le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, la directrice générale Diana Bronson a souligné six priorités issues de nos Cinq grandes idées pour un meilleur système alimentaire  :

  • Reconnaître le droit à l’alimentation comme principe directeur

  • Soutenir la création d’une nouvelle relation entre le Canada et les Peuples autochtones par l’entremise de l’alimentation

  • Prioriser les enfants et la jeunesse, incluant la création d’un programme national de saine alimentation scolaire

  • Soutenir la prochaine génération d’agriculteurs et promouvoir une diversité de pratiques agricoles

  • Mettre sur pied un Conseil de la politique alimentaire

  • Soutenir l’innovation sociale au même titre que l’innovation technologique

 

Une avancée sur le droit à l’alimentation

La recommandation la plus importante consiste à mettre le droit à l’alimentation pour tous les Canadien-nes au coeur de la nouvelle politique alimentaire. Tel que mentionné dans le rapport : « Plusieurs témoins ont déclaré que le premier élément à insérer dans la formulation d’une politique alimentaire est la reconnaissance officielle du droit à l’alimentation. » Plusieurs d’entre nous avaient été découragés de la réaction méprisante du gouvernement fédéral envers la mission des Nations Unies de 2012 (en anglais seulement) sur le droit à l’alimentation. Il est donc encourageant de voir de nouveau remis sur la table une approche basée sur les droits humains pour faire face à d’importants enjeux politiques. L’annonce récente de la Stratégie nationale sur le logement qui adopte l’approche du droit au logement nous donne espoir quant à la possibilité que la politique alimentaire fera de même en adoptant l’approche du droit à l’alimentation.

 

L’importance de la gouvernance

Le Réseau pour une alimentation durable avait aussi identifié la gouvernance comme élément essentielle à la réussite de la politique alimentaire, en étant toutefois conscient qu’il n’est pas possible d’aborder l’ensemble des enjeux complexes et d’ordre systémique en aussi peu de temps. La société civile a longtemps été exclue du développement des politiques alimentaires au Canada, et nous voulions que soit mis en place un mécanisme plus transparent et participatif. La dernière recommandation du Comité de « créer un organisme consultatif national de la politique alimentaire composé des principaux ministères gouvernementaux, du secteur agricole et agroalimentaire, du milieu universitaire, des peuples autochtones et de la société civile », est depuis longtemps une priorité du Réseau pour une alimentation durable. Plusieurs de nos partenaires des milieux académiques, de l’industrie et de la société civile ont aussi soulevé cette préoccupation lors des audiences du Comité. Nous sommes heureux que les parlementaires soient d’accord!

 

Le soutien à l’agriculture durable

Parmi les autres recommandations, on retrouve le soutien à l’agriculture biologique et le renforcement des systèmes alimentaires régionaux. Le Réseau pour une alimentation durable est particulièrement ravi de voir que le Comité reconnaît la nécessité de soutenir davantage les nouveaux agriculteurs – une problématique que nous, ainsi que des regroupements de nouveaux agriculteurs de partout au pays, soulevons depuis fort longtemps (voir notre Appel 2016 sur la relève agricole). De plus, la recommandation du Comité « d’investir [...] dans des mesures communautaires, notamment des initiatives agricoles novatrices, de la sécurité alimentaire, de la litératie alimentaire ainsi que de la lutte contre les pertes et le gaspillage alimentaires » souligne l’importance de l’innovation sociale parallèlement à l’innovation technologique, un sujet que le Réseau pour alimentation durable avait mis de l’avant en demandant la création d’un fond de 65 millions de dollars pour l’innovation alimentaire et sociale dans le cadre d’Une politique alimentaire pour le Canada.

 

Recommandations moins positives

Bien qu’il soit encourageant de voir le Comité mentionner l’insécurité alimentaire des communautés autochtones et nordiques, la recommandation de réviser Nutrition Nord Canada est non seulement une nouvelle désuète (les consultations ont été complétées depuis longtemps), mais elle est aussi véritablement inadéquate. Comme plusieurs organisations nordiques l’ont déjà mentionné, il faut réviser et repenser entièrement les programmes existants pour accroître la souveraineté alimentaire nordique et autochtone. Pour ce faire, nous devons renforcer la capacité d’adaptation des systèmes alimentaires régionaux du Nord et ce, en soutenant entre autres la récolte et la chasse d’aliments traditionnels et locaux.

Nous avons relevé d’autres drapeaux rouges. La recommandation 6 suggère que le Guide alimentaire canadien prenne en considération « l’harmonisation et la compétitivité dans l’intérêt des industries canadiennes », ce qui équivaudrait à un énorme recul puisque Santé Canada a clairement souligné dans le cadre du processus de révision l’importance de minimiser l’influence indue de l’industrie alimentaire. Les Canadien-nes ont besoin d’outils tels que l’étiquetage sur le devant des produits (une composante de la Stratégie en matière de saine alimentation) pour les aider à éviter les aliments riches en sel, en sucre et en gras saturés. Un ensemble d’interventions politiques sont nécessaires pour créer des environnements alimentaires plus sains dans les institutions publiques et pour résoudre les problèmes d’accès à des aliments frais, sains et locaux auxquels font face les Canadien-nes à faible revenu. La politique alimentaire nationale est une occasion de créer des synergies entre l’agriculture comme moteur de la croissance économique (ce qui peut aussi être fait en procédant davantage à l’adaptation locale des systèmes alimentaires) et l’alimentation comme priorité pour des interventions politiques en amont qui visent les déterminants sociaux de la santé. Il ne s’agit pas de choisir – nous avons besoin d’aliments sains ET locaux.

Finalement, la recommandation de « simplifier l’approbation des innovations biotechnologiques, comme celles liées aux semences et aux espèces végétales » est inquiétante vu les préoccupations économiques, environnementales et en santé que posent certaines biotechnologies telles que les OGM (organismes génétiquement modifiés), sans oublier la concentration considérable des entreprises dans le secteur des technologies agricoles. En plus de promouvoir l’agriculture biologique, le Réseau pour une alimentation durable prône le recours au principe de précaution en ce qui concerne la biotechnologie, pour s’assurer que nous comprenions bien les risques et les éventuelles conséquences des nouvelles technologies de sélection des végétaux.

Le Réseau pour une alimentation durable continuera de promouvoir ses Cinq grandes idées pour un meilleur système alimentaire, et nous sommes impatients de poursuivre la discussion dans les mois à venir avec le gouvernement et les organisations alimentaires pour bâtir ensemble un système alimentaire juste, durable et sain pour le Canada.

 

Nos notes pour les recommendations

 

Recommendation du comité

NOTE

Recommendation 1

Le Comité recommande au gouvernement de reconnaître le droit des Canadiens à une alimentation adéquate et d’harmoniser ses politiques afin que tous les Canadiens aient accès à une telle alimentation.

 

A

Recommendation 2

Le Comité recommande que le gouvernement mette en place des mesures pour assurer un approvisionnement suffisant d’aliments à des prix plus abordables, sains, de qualité supérieure et nutritifs pour les Canadiens, particulièrement pour les populations vulnérables de la société canadienne, notamment les enfants, les Canadiens vivant dans la pauvreté, les peuples autochtones et les communautés des régions nordiques et éloignées.

A

 

Recommendation 3

Le Comité recommande que le gouvernement contribue à la mise en place d’initiatives afin de réduire l’insécurité alimentaire dans les communautés autochtones et les régions du Nord, notamment en révisant le programme Nutrition Nord Canada.

D

Recommendation 4

Le Comité recommande au gouvernement d’apporter un soutien pour le développement et la croissance de l’agriculture régionale et locale.

B

Recommendation 5

Le Comité recommande au gouvernement de contribuer à la mise en place des initiatives de rapprochement entre les producteurs et les consommateurs, tel que le protocole de reconnaissance fédéral, provincial et territorial en matière de soins aux animaux, afin de renforcer et de maintenir la confiance du public.

B

Recommendation 6

Le Comité recommande que le nouveau guide alimentaire repose sur la politique alimentaire et qu’il comprenne des données scientifiques évaluées par des pairs, et que le gouvernement collabore avec le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire pour garantir l’harmonisation et la compétitivité dans l’intérêt des industries canadiennes.

F

Recommendation 7

Le Comité recommande au gouvernement d’investir dans les campagnes de sensibilisation et de l’éducation à une saine alimentation dans le but d’améliorer l’état de santé global des Canadiens tout en réduisant les coûts des soins de santé.

B

Recommendation 8

Le comité recommande que le gouvernement soutienne le secteur canadien de l’agriculture biologique en offrant du financement continu au Régime Bio-Canada. Le comité recommande aussi au gouvernement de stimuler la croissance des exportations et de s’assurer que le secteur est en mesure de répondre à la demande croissante des produits biologiques.

A

Recommendation 9

Le Comité recommande que le gouvernement simplifie l’approbation des innovations biotechnologiques, comme celles liées aux semences et aux espèces végétales.

F

Recommendation 10

Le Comité recommande au gouvernement, en collaboration avec tous les intervenants de la chaîne d’approvisionnement, de mettre en place des outils de sensibilisation et de prendre des mesures afin de réduire les pertes et le gaspillage alimentaires engendrés par l’industrie et par les consommateurs.

B

Recommendation 11

Le Comité recommande au gouvernement d’intensifier les efforts et les investissements pour aider le secteur agricole à poursuivre la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre et à améliorer ses pratiques environnementales, en mettant l’accent sur la conservation des sols, de l’eau et de l’air.

B

Recommendation 12

Le Comité recommande que le gouvernement continue de soutenir la croissance intérieure dans le secteur agricole et agroalimentaire régional ainsi que les industries sous gestion de l’offre.

A

Recommendation 13

Le Comité recommande que le gouvernement continue d’appuyer la croissance intérieure dans le secteur agricole et agroalimentaire régional, ainsi que les industries sous gestion de l’offre en veillant à ce que les résultats de la renégociation de l’ALENA n’affaiblissent pas le marché intérieur sur lequel elles comptent.

A

Recommendation 14

Le Comité recommande que le gouvernement continue de mettre l’accent sur la croissance des exportations dans le secteur canadien de l’agriculture et de l’agroalimentaire, dans le but de faire croître les exportations agricoles canadiennes pour qu’elles atteignent au moins 75 milliards de dollars par année d’ici 2025 et de réduire les obstacles à la croissance des exportations.

C

Recommendation 15

Le Comité recommande que le gouvernement n’alourdisse pas le fardeau financier des Canadiens en faisant augmenter le coût des aliments, ni celui des agriculteurs qui comptent sur les marchés d’exportation et qui doivent demeurer compétitifs.

B

Recommendation 16

Le Comité recommande au gouvernement d’investir, en partenariat avec des groupes communautaires et des organisations non gouvernementales, dans des mesures communautaires, notamment des initiatives agricoles novatrices, de la sécurité alimentaire, de la litératie alimentaire ainsi que de la lutte contre les pertes et le gaspillage alimentaires.

A

Recommendation 17

Le Comité recommande au gouvernement de renforcer les programmes pour soutenir les agriculteurs et les transformateurs d’aliments pour les aider à innover et à s’adapter à l’évolution des conditions de production et aux demandes du marché.

B

Recommendation 18

Le Comité recommande au gouvernement d’adopter une approche pangouvernementale pour garantir aux producteurs canadiens l’accès aux principaux marchés d’exportation, de s’attaquer aux obstacles commerciaux et aux barrières non tarifaires.

B

Recommendation 19

Le Comité recommande au gouvernement d’améliorer les outils mis à la disposition des jeunes agriculteurs et des nouveaux agriculteurs et de travailler de concert avec les agriculteurs pour faciliter le transfert intergénérationnel des exploitations familiales.

A

Recommendation 20

Le Comité recommande au gouvernement de prendre des mesures, en partenariat avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, afin de garantir la disponibilité d’une main-d’oeuvre suffisante dans le secteur agricole et agroalimentaire, notamment par l’intermédiaire du Programme des travailleurs étrangers temporaires pour attirer et conserver les employés talentueux, en offrant à ceux-ci la possibilité d’obtenir la résidence permanente.

B

Recommendation 21

Le Comité recommande au gouvernement de créer un organisme consultatif national de la politique alimentaire composé des principaux ministères gouvernementaux, du secteur agricole et agroalimentaire, du milieu universitaire, des peuples autochtones et de la société civile.

A

 

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