Marché mondial de l'alimentation : le Comité du Sénat dévoile son nouveau rapport

Mardi, 30 mai, 2017 - 14:03

En cherchant à améliorer l’accès au marché international pour les productrices et les producteurs agricoles, le Comité du Sénat rate sa cible en omettant d’adresser tous les éléments permettant de renforcer l’agriculture canadienne.

Récemment, le comité du Sénat a publié un rapport sur l’agriculture et la foresterie intitulé Les agriculteurs et producteurs d'aliments du Canada doivent avoir accès au monde entier. Au lancement de ce rapport, le Sénat a affirmé  “qu’un coup de main du gouvernement fédéral pourrait faire un monde de différence pour les agriculteur-trice-s et les producteur-trice-s d’aliments canadiens.” Nous ne pourrions être plus d’accord avec cette affirmation.Toutefois, nous ne partageons pas les perspectives du Sénat concernant la nature et l’orientation du support en question. Bien que le rapport offre plusieurs recommandations utiles sur les moyens d’accroître les capacités et la compétitivité des secteurs agricoles et agroalimentaires au plan international, il ne saisit pas l’opportunité de discuter des moyens requis pour améliorer la durabilité et la résilience du secteur agricole canadien à un niveau d’intervention plus fondamental et urgent.

L'hypothèse selon laquelle les agriculteur-trice-s et les producteur-trice-s d'aliments canadiens sont "prompts" à entrer sur le marché international expose un biais problématique. En effet, cela sous-tend qu’une grande part de l'approche fédérale actuelle en matière de politiques agricoles continue de considérer les exportations et le commerce comme la voie de la prospérité pour ce secteur d’activité. Cette tendance aveugle et obsessive envers des politiques agricoles et agroalimentaires orientées vers l’export doit cesser. On entend souvent l’idée que le Canada a la responsabilité de nourrir la population croissante du monde. Or, bien que cette déclaration soit louable, elle ne présente pas toutes les facettes de l’histoire.  

Maintenant plus que jamais, nous devons concentrer nos efforts vers l’adoption et le support de modèles de production et de commercialisation agricoles plus diversifiés. En plus d’adresser les besoins des gros producteur-trice-s qui opèrent à l’échelle mondiale, nous devons également inclure, au sein des discussions, les besoins des producteur-trice-s qui opèrent dans les marchés régionaux et locaux.

Le commerce international va indéniablement jouer un rôle essentiel dans l’avenir des secteurs agricoles et agroalimentaires canadiens, mais nous ne devons toutefois pas oublier le rôle que remplissent les marchés domestiques, ainsi que la nécessité de passer à des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Bien que les marchés fermiers, les détaillants locaux, les programmes de denrées alimentaires et les coopératives peuvent sembler générer peu de revenus, ces derniers représentent en fait une opportunité économique importante et croissante pour les secteurs agricoles et agroalimentaires canadiens. En ce sens, on estime que les marchés fermiers génèrent des revenus annuels se situant entre 1.55 à 3.09 milliards de dollars à travers tout le Canada (National Farmers' Market Impact Study 2009 Report). Si l’on ajoute à cela le potentiel qu’offre l’approvisionnement public des écoles et des hôpitaux, nous augmentons considérablement la taille des recettes.  

Une récente étude a évalué que si l'Ontario remplaçait seulement 10% de ses fruits et légumes les plus importés par des produits cultivés localement, cela générerait une croissance du PIB de 250 millions de dollars, en plus de créer plus de 3 400 nouveaux emplois à temps plein (Econometric Research Limited et al, 2015). En outre, il y a eu une augmentation de 37% des importations d’aliments biologiques au pays entre 2012 et 2015, ce qui suggère qu’investir dans le secteur domestique de transformation des produits biologiques est une opportunité clé pour la croissance des secteurs alimentaires et agricoles du Canada (COTA, 2017).

S’assurer de la durabilité et de la prospérité future de l’agriculture canadienne signifie qu’il faut investir dans la prochaine génération d’agriculteur-trice-s et renforcer le système alimentaire canadien. Tel que l’a démontré le récent recensement de l’agriculture 2016, le nombre de fermes au Canada continue de décroître, alors que l’âge moyen des agriculteur-trice-s continue d’augmenter.

L’accès au marché international est un défi auquel font face les agriculteur-trice-s et les producteur-trice-s canadien-ne-s, mais il ne représente pas “le” défi à surmonter. L’avenir du système alimentaire canadien et des producteur-trice-s agroalimentaires du Canada ne se trouve pas dans le commerce international, la robotique et l’automatisation. Il sera plutôt dans la transformation écologique et la résilience climatique des pratiques de production, dans la fortification des infrastructures économiques alimentaires locales et régionales, ainsi que dans le redressement des dettes agricoles croissantes exacerbées par la flambée des prix des valeurs foncières.  

L'accès au marché mondial : Donner le monde aux producteurs et transformateurs canadiens

Publié le 9 mai 2017