Le samedi de l’innovation à la Tablée des idées — Faits saillants de la journée

L’innovation, que John Ikerd (professeur émérite à l’Université du Missouri) a définie comme un « important changement positif » lors de son discours d’ouverture, a été le thème de la séance plénière du samedi matin. La première action porteuse d’innovation qu’il a proposée, c’est de mettre à la porte les vieux hommes blancs comme lui pour faire place aux jeunes, aux femmes et aux Autochtones. 

Il a impressionné l’auditoire en faisant un vibrant appel à changer notre piètre système alimentaire industriel, qui n’est même pas en mesure d’assurer, ne serait-ce qu’à court terme, la sécurité alimentaire de tous, sans parler de sa durabilité à long terme. Il a pointé du doigt le modèle mécaniste de l’agriculture industrialisée, qu’il accuse d’être fondamentalement en conflit avec les écosystèmes sociaux et naturels. Il a par ailleurs promu l’innovation communautaire, qui est mue par l’amour, à titre de levier capable de changer le système.  

Bidakanne Sammamma (Deccan Development Society) et Jean-Martin Fortier (Ferme des Quatre-Temps), deux agriculteurs provenant respectivement de l’Andhra Pradesh en Inde et du Québec, ont démontré la justesse des propos de John à l’aide de présentations percutantes sur leurs petites fermes biologiques, des entreprises radicalement novatrices qui ont atteint la réussite. Bidakanne a raconté de quelle manière elle et sa communauté ont su innover : en sauvegardant, protégeant et préservant les semences; en transmettant un patrimoine de connaissances aux jeunes générations; et en créant des marchés pour les cultures délaissées. Elle a conclu sa présentation en précisant que pour elle, « l’innovation consiste à aller de l’avant dans le respect de la tradition ».  

La présidente de la séance plénière, Lauren Baker (Global Alliance for the Future of Food), a souligné à quel point l’approche préconisée par Bidakanne permet d’assurer la sécurité alimentaire autant que financière à l’aide de stratégies telles que cultiver des variétés végétales multisaisonnières, éviter les intrants coûteux et créer de nouvelles possibilités d’emplois. 

.@jm_fortier Jean-Martin Fortier (jardins de la Grelinette QC) sur la scène de #ResettingTheTable pour partager sa vision de l'innovation. pic.twitter.com/ejPZ1upEzI

— Food Secure Canada (@FoodSecureCAN) October 15, 2016

Figure emblématique de l’agriculture biologique, Jean-Martin Fortier a expliqué comment il s’y prend pour générer des ventes de plus de 150 000$, sur une micro-ferme biologique de moins d'un hectare cultivé. En évitant de recourir aux tracteurs et en pratiquant la polyculture écologique intensive sur des planches permanentes, sa ferme familiale permet à quatre personnes de travailler à temps plein dans de bonnes conditions. À partir d’une terre ayant la superficie d’un terrain de soccer, sa ferme fournie des paniers de légumes biologiques à 250 familles par l’entremise du réseau d’ASC. À titre d’investisseur visionnaire, son dernier projet consiste en une ferme de 32 hectares qui combine de l’élevage, des serres et des cultures à longueur d’année. Il espère que cette expérience, qui a été méticuleusement conçue et se fonde sur les principes de la permaculture, servira de modèle pour les fermes du futur.

Tout au long de sa vie, Nancy Neamtan (Chantier de l’économie sociale) a innové et contribué au démarrage de nombreux projets d’économie sociale, un secteur très dynamique au Québec où pullulent d’ailleurs les initiatives alimentaires. Pour elle, l’innovation, qui se trouve souvent à être une nécessité, consiste à apprendre par la pratique. Toujours selon elle, il ne faut pas compter sur les experts afin de résoudre un problème, mais bien plutôt créer soi-même la solution. Il est également important de valoriser l’innovation sociale au même titre que le progrès technique. Il est nécessaire de passer à une échelle supérieure, mais il faut cependant reconnaître qu’il peut être tout aussi efficace de se multiplier que de grossir. Tout comme John Ikerd, Nancy s’est tournée vers les communautés pour changer le système.

Debbie Field (FoodShare) s’est pour sa part inspirée du mouvement des femmes. Le changement, a-t-elle dit, provient de la base, des actions de la multitude. Il s’agit d’une chose évolutionnaire. Nous ne pouvons pas attendre après le gouvernement pour changer le système ou pour innover d’une quelconque manière. Elle a parlé des principales réussites de FoodShare, parmi lesquelles comptent notamment l’exploitation d’un camion de cuisine de rue permettant d’établir un lien direct entre le champ et la table; la création d’un potager permettant d’approvisionner une banque alimentaire; et la mise sur pied du programme Good Food Box. Malgré le contexte optimiste et inspirant de la séance plénière, Debbie a souligné l’existence de deux défis : les initiatives innovantes ne parviennent pas toujours à leurs objectifs; et les banques alimentaires, qui à l’origine, ont vu le jour afin de redistribuer les surplus alimentaires, constituent une erreur selon la perspective de la justice sociale. Pour conclure, elle a indiqué que les changements climatiques nous obligent à innover. 

Le principal message à retenir de la séance plénière du samedi est : « Mettons en place un système alimentaire localisé! » 

La séance en dialogue libre portant sur la politique alimentaire et la construction du mouvement alimentaire a donné lieu à des interventions tout aussi diversifiées que le mouvement alimentaire lui-même. Répartis autour de 21 tables, 265 participants ont exploré différents thèmes en profondeur, ont réseauté et se sont fait de nouveaux amis. Parmi les différentes questions débattues en tables rondes lors de ce dialogue libre, relevons les suivantes : Comment s’organiser en vue de la nouvelle politique alimentaire? Comment mettre les questions alimentaires au premier plan? Quelle est la place des banques alimentaires parmi les différentes mesures permettant d’assurer la sécurité alimentaire? Comment soutenir les nouveaux agriculteurs?   

Pour un résumé de l’ensemble de la journée, incluant la trentaine de séances qui se sont déroulées en après-midi et qui ont donné une autre occasion aux participants d’explorer les différents aspects que couvraient les dix thématiques de l’assemblée, veuillez consulter le fil Twitter ci-dessous :