Nous savons que la pauvreté va de pair avec la faim: 15 % des enfants au Canada peinent à trouver de quoi manger suffisamment à la maison

Par Kristy Taylor – Kristy est la directrice générale de Show Kids You Care, un réseau national de programmes de repas destinés aux enfants canadiens qui connaissent la pauvreté et vivent d’autres situations difficiles. 

"Cet article a été publié le 24 juillet, 2015 pour la campagne Je mange donc je vote du Réseau pour une alimentation durable" 

J’aimerais vous raconter l’histoire d’un garçon nommé Steven. Ce dernier tentait de se qualifier aux épreuves d’athlétisme, et obtint d’ailleurs de très bons résultats. Une fois les épreuves de sélection terminées, alors que tous rentraient à l’école, une enseignante remarqua que Steven n’était pas avec le groupe. Il resta un peu à l’écart, puis se dirigea vers la benne à ordures de l’école. Il jeta un regard autour de lui pour s’assurer que personne ne le regardait, puis sortit un sandwich de la benne. 

Lorsque l’enseignante réalisa ce que Steven était en train de faire, elle lui cria « Steven, mais que fais-tu? »

Il répondit alors : « J’ai tellement faim; nous n’avons pas beaucoup de nourriture à la maison. Pensez-vous que cela dérangerait quelqu’un si je mangeais ce sandwich? »

L’enseignante avait le cœur brisé. Elle savait qu’un certain nombre d’élèves de son école avaient de la difficulté à se procurer de quoi manger suffisamment chez eux. Elle ne réalisait toutefois pas que les enfants auprès de qui elle travaillait chaque jour étaient tellement affamés qu’ils espéraient trouver de quoi se nourrir dans la benne à ordures de l’école.

La pauvreté infantile au Canada est actuellement plus élevée qu’il y a 20 ans alors que le gouvernement fédéral adoptait à l’unanimité une loi visant à réduire ce phénomène à l’horizon 2000. Or, nous sommes bien loin d’avoir rempli cet objectif.   

Nous savons que la pauvreté va de pair avec la faim. Environ 15 % des enfants au Canada ont de la difficulté à s’alimenter suffisamment à la maison. Ils ont faim. Chaque jour. Ils sautent des repas. Ils se sentent mal. Ils ne parviennent pas à se concentrer à l’école. Ils se demandent où ils trouveront leur prochain repas. Ils semblent porter le poids du monde sur leurs épaules.

Je sais comment ils se sentent parce qu’à une certaine époque de mon enfance, ma famille a vécu une situation totalement inattendue et traumatisante qui nous a laissés sans foyer – et affamés.

Mes frères et moi sautions des repas… Nous étions tellement gênés par le fait que notre famille peinait à acheter de la nourriture. Nous cachions notre drame à nos amis et à nos enseignants. Nous mentions, disant aux gens que nous avions oublié notre dîner à la maison ou encore que nous ne mangions pas parce que nous n’avions pas faim.

Comme plusieurs autres familles canadiennes, la mienne finit par se sortir de la pauvreté. Cela a transformé nos vies… et j’ai maintenant le privilège de diriger un réseau national de programmes de repas destinés aux enfants canadiens qui connaissent la pauvreté et vivent d’autres situations difficiles.

Notre réseau a pour nom Show Kids You Care. Au cours de la dernière année scolaire, nous avons aidé à servir plus de 18 millions de repas aux enfants ici même au Canada. Ce nombre peut sembler énorme, voire impressionnant, mais il me porte à me remettre en question… Nous savons que nous ne parvenons à rejoindre que 10 % des enfants qui ont besoin de nous chaque jour. Nous n’avons pas les moyens d’aider le reste des enfants qui n’ont pas de quoi se nourrir suffisamment à la maison.

La triste réalité est que, chaque jour, je dois dire aux enfants qui ont faim : « Je n’ai pas de nourriture pour vous. »

Voilà l’une des raisons pour lesquelles Show Kids You Care a établi un partenariat avec le Réseau pour une alimentation durable afin de sensibiliser la population au phénomène de la faim chez les enfants au Canada. Il faut en faire plus pour ces enfants.

Nourrir les enfants qui ont faim ne fait pas qu’améliorer leur bien-être (et le nôtre); il ne s’agit pas seulement d’une question morale ou éthique; il ne s’agit pas uniquement d’une question reliée à la Déclaration du droit de l’enfant des Nations unies. Sans vouloir paraître inhumain, il s’agit d’une question qui concerne l’économie, les soins de santé et l’éducation.

La recherche démontre clairement que lorsque les enfants ont accès à des aliments sains à leur école, leurs notes s’améliorent, ils ont plus de chances de terminer leurs études, et ils parviennent à de plus grandes réussites une fois leurs études complétées.

La recherche indique également que lorsque nous offrons des aliments nutritifs aux enfants à l’école, cela renforce leur estime, les aide à prévenir les problèmes et leur apprend à être de bons citoyens.

Notre expérience nous montre en outre que les écoles dotées de programmes d’alimentation rapportent une réduction du phénomène d’intimidation lorsque de tels programmes démarrent. Nous savons également que la durée consacrée à la « pédagogie active » en classe est accrue lorsque les enfants sont bien nourris et prêts à apprendre grâce aux aliments qui leur sont offerts par l’entremise du programme d’alimentation de leur école.

Nous sommes également heureux d’être l’un des partenaires de la Coalition pour une saine alimentation scolaire. Cette coalition demande au gouvernement fédéral de mettre en place et de financer des programmes de repas destinés à tous les enfants fréquentant les écoles du Canada.

Nous avons mis sur pied un réseau de programmes au sein des communautés à travers tout le Canada qui permet de transmettre les pratiques d’excellence, réseau sur lequel nous pouvons nous appuyer et qui reste à étendre. Grâce au travail que nous réalisons depuis plusieurs années, nous avons démontré que nous étions également en mesure de trouver des solutions locales pour répondre au constant besoin d’offrir chaque jour des aliments nutritifs aux enfants qui ont faim.

Nous demandons aux candidats aux prochaines élections fédérales des circonscriptions à travers tout le pays à participer à nos programmes scolaires au sein de leur propre communauté en servant des repas aux enfants ou en mangeant avec eux, en apprenant pourquoi ces enfants ont faim, et en constatant à quel point ceux-ci sont reconnaissants envers nos efforts visant à assurer leur accès à des aliments nutritifs.

Cette initiative doit voir le jour sans tarder. Il ne doit pas s’agir d’une priorité à réaliser d’ici quatre ans. Cela doit se faire dès maintenant. Cela doit constituer une priorité immédiate. Si vous vous demandez ce que vous mangerez pour dîner ou ce que vous préparerez pour souper, il s’agit manifestement de quelque chose de prioritaire pour vous… S’assurer que les enfants ont suffisamment à manger ne pourrait-il pas devenir notre priorité collective?

Nous aimerions savoir que vous appuyez notre travail. Faites-vous entendre. Veuillez signer notre pétition en ligne afin que les candidats aux élections fédérales sachent qu’il est important que les enfants aient suffisamment de nourriture pour manger chaque jour! Il est plutôt rare que les enfants puissent s’exprimer, mais vous pouvez le faire haut et fort pour eux. S’il vous plaît, faites vous entendre avant d’aller chercher quelque chose à manger ou de vous faire un autre café.

Au nom des enfants que nous servons, merci.

Kristy TaylorKristy est la directrice générale de Show Kids You Care, un réseau national de programmes de repas destinés aux enfants canadiens qui connaissent la pauvreté et vivent d’autres situations difficiles.