Quelle direction prendra le gouvernement en matière de politique alimentaire?
Le gouvernement vient de signaler dans quelle direction il compte se diriger en terme de politiques alimentaires et pour être franc, de l’avis de la plupart des membres du Réseau pour une alimentation durable, cela augure mal. La réponse du gouvernement à la publication du récent rapport sur la politique alimentaire du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire a fourni quelques indications claires. Le 9 avril dernier, lors d’une assemblée virtuelle des membres du RAD destinée à cette discussion, les participants n’ont pas caché leur déception.
Il s’agit d’une occasion manquée de mettre de l’avant une vision ambitieuse de la politique alimentaire et de définir officiellement des priorités qui nous feraient franchir le cap du statu quo. Le gouvernement peut prétendre qu’il ne répondait qu’aux éléments soulevées par le comité permanent, mais le choix de s’appuyer sur des récitations bureaucratiques de programmes déjà existants et de déconsidérer les idées les plus ambitieuses soutenues par les parlementaires en dit long.
Pourquoi sommes-nous préoccupés?
Le RAD a publié son point de vue sur le rapport du comité permanent dans cet article. Voici quelques réflexions sur la réponse décevante du gouvernement aux recommandations du comité permanent.
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Trois recommandations, représentant des priorités clés pour le RAD et ses membres, ont fait l’objet d’un « soutien en principe » plutôt que de recevoir un soutien sans équivoque comme dans le cas des autres recommandations:
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Le droit à l’alimentation - le Canada a adhéré « en principe » depuis longtemps à ce droit. Nous avons besoin d’une politique alimentaire qui s’engage à mettre réellement en oeuvre ce droit pour tous les Canadien-nes!
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Un conseil national de la politique alimentaire - pourquoi un telle hésitation - le RAD et une panoplie d’acteurs du système alimentaire ont travaillé de concert pour en arriver à une proposition conjointe novatrice sur la gouvernance.
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Financer un régime national sur les produits biologiques - il est primordial d’avoir des normes aussi actuelles et précises que possible sans oublier qu’il s’agit d’un secteur qui détient un énorme potentiel de croissance - pourquoi donc ces tergiversations?
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On retrouve plusieurs références dans le rapport aux nouveaux objectifs d’exportation tel que proposé par le rapport Barton, mais il n’y a littéralement aucune réflexion sur la façon dont ces objectifs seront conciliés avec les autres priorités telles que le soutien aux systèmes alimentaires locaux et régionaux ou la protection (et la réforme) de la gestion de l’offre ou l’amélioration de la qualité de vie des agriculteurs.
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La souveraineté alimentaire des peuples autochtones et nordiques est quasi absente du rapport - on y retrouve que quelques références superficielles à d’actuels programmes déficients. Il n’y a aucune projection d’avenir ou reconnaissance en ce qui concerne le niveau critique d’insécurité alimentaire dans plusieurs communautés autochtones, en milieu rural et urbain.
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Le gouvernement semble établir une corrélation entre les dollars publics dépensés pour soutenir l’agriculture et l’agroalimentaire (5,4 milliards en 2016-17) et un soi-disant impact sur les groupes vulnérables vivant en situation d’insécurité alimentaire. Absolument aucune preuve ne permet de démontrer la façon dont cet argent aide les familles qui ont de la difficulté à joindre les deux bouts. La théorie des effets de retombée ne fournit pas des données probantes pour fonder des décisions politiques.
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L’appel à l’action sur le gaspillage alimentaire semble avoir été réduit à un autre comité interministériel et davantage d’études, plutôt que de prendre des mesures urgentes qui pourraient avoir un impact immédiat (ex. Moins d’emphase sur l’uniformité des aliments, information plus claire à propos des dates d’expiration et de péremption et éducation des consommateurs).
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Le gouvernement soutien l’appel en faveur des initiatives communautaires et nous croyons qu’il y ait une ouverture pour de nouveaux programmes. Bien que les programmes existants qui sont énumérés sont pertinents, nous sommes encore loin de répondre aux besoins des communautés. La référence à la stratégie d’innovation sociale nous laisse toutefois entrevoir une lueur d’espoir.
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Le rapport établi la confiance du public comme un objectif à atteindre plutôt que de quelque chose qui se gagne lorsque les pratiques qui ont minées cette confiance sont modifiées.
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La réponse à la recommandation 6 de faire correspondre le Guide alimentaire canadien aux intérêts concurrentiels (recommandation qui a reçu la note F dans le classement du rapport original) démontre un effort courageux de montrer que les départements fédéraux de l’agriculture et de la santé sont sur la même longueur d’onde. Nous nous réjouissons de la reconnaissance à l’effet que le Guide alimentaire canadien peut aider à éclairer les politiques agricoles (p.9). Toutefois, manger plus de fruits et légumes frais n’est pas tant une question d’innovation et d’expansion mais repose davantage sur le soutien aux systèmes alimentaires locaux et régionaux et sur la connection entre les citadins et les agriculteurs.
Que voulons-nous?
Le Réseau pour une alimentation durable travaille depuis plus de 10 ans pour mettre de l’avant une politique alimentaire qui promeut un système alimentaire plus sain, plus équitable et plus durable. Bien entendu, le Canada est un exportateur majeur de produits alimentaires et les échanges doivent être une priorité politique. Mais elles ne devraient jamais primer sur la santé publique, les droits de la personne, ni compromettre notre capacité à effectuer une transition vers un système alimentaire plus durable. Nous ne voulons pas d’une nouvelle politique alimentaire qui ne fait que renforcer davantage le statu quo.
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Enfin, nous attendons toujours le rapport du gouvernement « Ce que nous avons entendu » qui doit résumer les consultations auxquelles ont participé les acteurs et intervenants du milieu au cours de l’été et de l’automne 2017. Espérons qu’il s’agisse d’une vision plus ambitieuse et progressive de la direction que nous prendrons en matière de politique alimentaire.
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