Innovation sociale dans la politique alimentaire: des programmes fédéraux d'alimentation scolaire sont nécessaires
Un récent rapport de l’UNICEF a établi que le Canada occupe le 37e rang parmi 41 pays riches en ce qui a trait à l’accès des enfants aux aliments nutritifs; ce classement est inférieur à celui des États-Unis, et à peine supérieur à ceux de la Bulgarie, de Malte, de la Turquie, et du Mexique. Pour un pays qui cherche à se positionner comme chef de file mondial et dont le gouvernement met la priorité sur l’enfance et la famille, cette situation est inacceptable et doit impérativement être améliorée.
Afin d’y remédier, le document sur le Canada qui accompagne le rapport recommande la mise en place d’un programme d’alimentation scolaire d’envergure nationale. En effet, le Canada est l’un des rares pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dépourvu d’un tel programme, ce qui prive les enfants canadiens d’un accès constant à des aliments sains à l’école, où ils passent plus de la moitié de leur journée. Dans le rapport qu’il a publié à la suite de sa mission au Canada en 2012, le rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation Olivier de Schutter recommande d’ailleurs l’adoption d’une stratégie nationale axée sur les enfants et l’alimentation, et qui comprendrait du soutien pour la mise en place de programmes d’alimentation scolaire. Dans certains pays comme la Finlande, la France, et le Japon, qui ont obtenu de hauts rangs dans le rapport, les écoliers ont quotidiennement accès à des repas équilibrés, sont souvent servis par leurs camarades, et mangent en présence d’adultes qui leur enseignent l’importance de la nutrition et des régimes alimentaires sains.
Fait encourageant, le Canada est particulièrement bien positionné pour remédier à cette situation déplorable et ainsi rattraper les autres pays de l’OCDE en assurant un accès aux aliments nutritifs dans les écoles du pays. Le gouvernement fédéral œuvre actuellement à l’élaboration d’une politique alimentaire nationale, qui comportera des mesures favorisant une alimentation garante d’une bonne santé et des objectifs sociaux, ainsi qu’à la Stratégie d’innovation sociale et de finance sociale, « qui s’efforce de trouver des solutions positives à des problèmes sociaux persistants ».
Combinées à la Stratégie en matière de saine alimentation à laquelle travaille la ministre de la Santé, ces initiatives pourraient permettre au Canada de montrer sa capacité à concevoir des stratégies innovantes et inclusives pour offrir aux enfants les aliments nutritifs et leur inculquer les habitudes alimentaires dont ils ont besoin pour mener une vie saine et réussir à l’école.
Nous ne partons pas de zéro : à travers tout le pays, des gouvernements provinciaux, territoriaux, et municipaux ainsi que des organismes caritatifs, des parents, des enseignants, et des bénévoles administrent des programmes d’alimentation scolaire à partir desquels nous pouvons apprendre. L’Alberta et la Nouvelle-Écosse ont récemment augmenté leurs investissements dans les programmes d’alimentation scolaires, et plusieurs collectivités publiques explorent les meilleurs moyens de s’approvisionner en aliments sains. Toronto a haussé son financement annuel à plus de 12 millions de dollars, et Vancouver a récemment adopté une motion (uniquement en anglais) visant à ce que le palier municipal demande aux instances provinciale et fédérale d’entreprendre davantage d’actions. Du reste, des organisations à but non lucratif à travers le pays trouvent des moyens innovateurs non seulement pour nourrir les enfants en milieu scolaire, mais également pour leur apprendre à cuisiner, à jardiner, et à renforcer leur communauté scolaire par les aliments.
Beaucoup d’attention et de ressources ont été consacrées à la hausse des exportations afin d’en faire une stratégie de croissance économique. Toutefois, une politique alimentaire nationale doit également considérer le fait que les problèmes de santé liés à l’alimentation constituent la principale cause de l’explosion des coûts des soins de santé; elle doit conséquemment faire en sorte d’améliorer l’accès aux aliments sains de toutes les Canadiennes et de tous les Canadiens. Alors que le tiers des enfants au pays souffrent d’embonpoint ou d’obésité, la meilleure chose à faire consiste à leur instiller de saines habitudes alimentaires plutôt que de tenter de corriger celles-ci plus tard dans leur vie.
L’innovation sociale et la finance sociale doivent prioritairement répondre aux besoins de base des Canadiennes et des Canadiens. L’accès à une saine alimentation constitue l’un des droits fondamentaux des enfants, mais, comme le souligne le rapport de l’UNICEF, nous ne sommes même pas capables de garantir celui-ci. Néanmoins, cette question bénéficie déjà d’importants efforts sur le plan de l’innovation sociale alors que des organisations communautaires de partout au pays conçoivent de toutes nouvelles approches. De petites pommes, qui normalement auraient été rejetées à la ferme, sont achetées au rabais par FoodShare Toronto et deviennent ainsi une collation parfaite pour les enfants. À Vancouver, Fresh Roots utilise le terrain des écoles pour produire des aliments biologiques qui sont ensuite utilisés par les programmes d’alimentation scolaire, ou vendus dans des marchés paysans locaux par les élèves du secondaire, qui apprennent ainsi les rudiments de l’entrepreneuriat. Au Nouveau-Brunswick, le Réseau des cafétérias communautaires fait place à la littéracie alimentaire au sein des programmes d’alimentation scolaire en impliquant les enfants dans la préparation des repas.
L’intérêt suscité par la finance sociale offre la possibilité de financer un programme d’alimentation scolaire pancanadien à l’aide de méthodes innovantes, comme l’approche de partage des coûts préconisée par la Coalition pour une saine alimentation scolaire. Bien entendu, nous devrons tenir compte des réalités et des pouvoirs locaux et régionaux; toutefois, de plus en plus de gouvernements provinciaux et municipaux s’entendent sur le fait que nous devons déployer plus d’efforts pour régler cette question.
Les programmes d’alimentation scolaire sont un excellent moyen de mobiliser les Canadiennes et les Canadiens, qui sont très soucieux de la santé et du bien-être de leurs enfants. Les gouvernements provinciaux, territoriaux, et municipaux ainsi que les organisations à but non lucratif et les écoles à travers le pays sont prêts à travailler avec le gouvernement fédéral pour faire en sorte que notre pays devienne un chef de file mondial en matière d’accès universel des enfants aux aliments nutritifs. Pour ce faire, nous avons besoin d’une politique alimentaire nationale claire et tournée vers l’avenir qui place la santé des enfants canadiens en son centre.
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