Souveraineté alimentaire et opportunités politiques en débat au Forum Social Mondial 2016
Par Susan Alexander- spécialiste en communication, qui prend actuellement racine dans le mouvement alimentaire à Montréal.
Qu’entend-on par souveraineté alimentaire? Selon le Malien Mamadou Goita, c’est un défi face aux voeux des puissants qui voudraient juste qu’on « mange et se taise ». Pour manifester leur refus de se taire, plus d’une centaine de personnes se sont jointes à lui au rassemblement du Réseau pour une alimentation durable (RAD) qui a eu lieu à Montréal dans le cadre du Forum Social Mondial 2016. Lors de cet atelier, tenu dans l’après-midi au campus de l’université McGill, des QuébécoisEs, Canadiens, Canadiennes et activistes mondiaux présents dans la métropole pour le Forum, ont joint le RAD et ses partenaires pour écrire en toutes lettres dans leurs agendas l’accession à la souveraineté alimentaire.
Diana Bronson, directrice générale du RAD, a ouvert la séance en définissant brièvement la souveraineté alimentaire, tout en expliquant que ce concept inclut non seulement la sécurité alimentaire mais va bien au-delà de cette dernière. « La souveraineté alimentaire est le droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée, produite avec des méthodes écologiques et durables, et le droit des peuples de définir leurs propres systèmes agricoles et alimentaires.» Chaque intervenant était invité à émettre leurs réflexions en l’espace de cinq minutes, permettant aux participants de se joindre aux tables de discussion qui s’articulaient autour des piliers de la souveraineté alimentaire.
Mamadou Goita (IRPAD) a mis l’emphase sur l’importance que revêt la souveraineté et la diversité semencielle. Le Burundais Deo Nivonkuru de l’ADISCO a corroboré ce message en expliquant que la solidarité africaine est fondée notamment sur l’échange et le don des semences. Eliminer cette pratique revient donc à détruire le style de vie africain. Le Canadien Eric Darier de Greenpeace International est revenu sur le thème de la souveraineté dans sa synthèse. Il a notamment cité les statistiques de ETC group selon lesquels 75% des semences commerciales dans le monde sont contrôlés par six compagnies. Ce marché pourrait d’ailleurs devenir le monopole de trois compagnies avec le risque imminent de fusions. Manifester son opposition à ces fusions au niveau national et durant les deux événements d’octobre 2016 - La commission sur la Sécurité Alimentaire Mondiale à Rome et le Tribunal international Monsanto de La Haye - sont des occasions politiques à venir.
Mamadou Goita expose les principes de la souveraineté semencière. #souverainetéalimentaire #fsm2016 #foodsovereignty pic.twitter.com/ofRLhMTj51
— Food Secure Canada (@FoodSecureCAN) August 12, 2016
Lorette Picciano de Via Campesina a donné une autre tournure au débat en passant du contrôle des semences à celui de la terre affirmant que «le caractère individualiste du droit fondamental à la propriété privée constitue le principal obstacle à la souveraineté alimentaire.» Chacun à leur manière, tous les panélistes ont parlé de l’importance de l’agriculture locale, communautaire et à petite échelle. François Delvaux de CIDSE a conclu que « la souveraineté alimentaire et l’agroécologie sont les deux côtés de la même médaille». Eric a rappelé qu’en ce moment « beaucoup de paysans sont actuellement en train de nourrir la plupart des gens» et que nous avons une force considérable en termes de nombre, particulièrement en nous combinant « avec tous les consommateurs » du mouvement alimentaire naissant.
La résistance face aux accords commerciaux qui mettent en péril la souveraineté alimentaire a aussi été identifiée comme une autre occasion politique cruciale. François, qui travaille à Bruxelle, a indiqué comment les efforts locaux peuvent être mis en péril par les accords internationaux guidés par les intérêts des grandes entreprises lors des forums fermés. Les deux orateurs africains ont rendu hommage à la résistance actuelle des cultivateurs face à la monoculture, au « dumping » et à la promotion ou à l’imposition du modèle de l’industrie alimentaire. Deo Nivonkuru a ajouté que l’aide humanitaire et la coopération faisaient partie du même système.
Après avoir écouté les panélistes mettre l’accent sur des notions telles que la reprise du contrôle, le changement de pouvoir, la réalisation d’un changement systémique, l’assistance, qui était emballée, a été répartie en six groupes de discussion afin de réfléchir sur les six piliers de la souveraineté alimentaires. Les discussions en anglais, en français ou en espagnol étaient tellement animées dans les groupes que ces derniers ont tous dépassé le temps qui leur a été imparti. Les rapporteurs ont dû donc faire de la gymnastique intellectuelle pour rendre leur synthèse en une minute ou moins.
Outre cet atelier, les bénévoles, les membres, le personnel et le conseil du Réseau pour une alimentation durable ont participé à beaucoup d’autres événements du FSM traitant notamment de l’alimentation, de l’agriculture, des changements climatiques, du revenu minimum et du manifeste Un bond vers l’avant. Pour en savoir plus sur cette participation active et faire le suivi, rendez-vous sur la page Facebook et le compte Twitter du RAD.
Le RAD remercie chaleureusement ses partenaires et ses panélistes, ainsi que tous les participants qui ont contribué à la réussite de cet événement.
Susan Alexander is a communications specialist, currently putting down roots in the Montreal food movement.
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