Une entente qui s’émiette : ce que vous devez savoir sur le système de fixation des prix Loblaws

Mercredi, 17 janvier, 2018 - 15:35

Par Sasha McNicoll, Coordonnatrice de la Coalition pour la saine alimentation scolaire

 

On a beaucoup parlé du système de fixation des prix Loblaws, qui a vu certaines des plus grandes entreprises alimentaires du Canada comploter pour gonfler artificiellement le prix du pain de 2001 à 2015. Le Bureau de la concurrence enquête actuellement sur sept entreprises: les trois plus grands épiciers au Canada, Loblaws, Métro et Sobeys; ses deux plus grands fabricants de pain, Weston Bakeries et Canada Bread; et deux grandes chaînes de magasins à rabais, Wal-Mart et Tigre Géant.

George Weston et Les Compagnies Loblaw ont publié un communiqué de presse sur leur rôle, affirmant que leurs chefs de file n’étaient pas au courant et que les employés responsables avaient été congédiés. Pour indemniser les clients touchés, Loblaws a déclaré qu'elle remettrait des cartes-cadeaux de 25 $ à compter du 8 janvier 2018. L'entreprise estime que trois à six millions de Canadiens accepteront cette offre, qui lui coûtera entre 75 et 150 millions de dollars.

Mais s'agit-il d'une véritable tentative d'expiation ou, comme l'a réclamé un plaignant dans l'une des sept actions collectives en cours, une campagne de «relations publiques trompeuses»? Voici ce que vous devez savoir:

 

Cela peut vous avoir coûté plus de 400 $

MacLean's signale qu'au cours des 14 années de cette fixation des prix, le prix du pain a augmenté considérablement plus que le prix des autres aliments, de 1,42 $ par pain en 2001 à 3,04 $ par pain en 2015, ce qui représente plus que le double. Si le prix du pain avait été au rythme moyen d'inflation pour d'autres aliments, cela aurait fait chuter un dollar complet du prix d'un pain. MacLean's estime que cette fixation des prix a coûté aux consommateurs qui ont acheté un pain par semaine près de 400 $.

 

 

Il est peu probable que ce profit est allé aux agriculteurs canadiens

L’Union Nationale des Fermiers rapporte que le prix d’un boisseau de blé est de 6 dollars. Chaque boisseau produisant 42 pains, les producteurs de céréales canadiens font environ 0,14 $ par pain. Comme l’indique le diagramme 2, le prix de la farine n'a pas augmenté au même rythme que le prix du pain.

 

 

Le système alimentaire canadien est l'un des plus concentrés dans le monde industrialisé

Un marché est considéré comme concentré lorsque quatre entreprises contrôlent 40 pour cent du marché. La concentration des entreprises est particulièrement élevée dans le commerce de détail alimentaire, où les trois plus grandes entreprises contrôlent plus de 70 pour cent du marché. Loblaw, le plus important détaillant de produits alimentaires, contrôle 29 pour cent.

Paradoxalement, la collusion est plus probable lorsqu'un marché est contrôlé par un nombre réduit d'entreprises: les environnements plus concurrentiels sont moins touchés par la fixation des prix, car il est plus difficile d'obtenir la plus grande part du marché concerné.

 

Les profits de Loblaws ont augmenté d'année en année, mais ils déplorent les hausses du salaire minimum

Au troisième trimestre, les profits de Loblaws ont bondi à 883 millions de dollars et ses revenus à 14,19 milliards de dollars.

Malgré ces profits, quand l'Ontario a annoncé qu'il augmentait le salaire minimum (de 11,40 $ à 11,60 $ en octobre 2017, puis à 14 $ le 1er janvier et finalement jusqu'à 15 $ le 1er janvier 2019), Galen Weston Jr. a déploré que cela coûterait son entreprise 190 millions de dollars (un peu plus de la moitié des 350 millions de dollars que Loblaw pourrait devoir payer à l'Agence du revenu du Canada pour fraude fiscale), affirmant que l'entreprise devrait trouver des moyens de réduire ses coûts, y compris l’automatisation accrue. En 2017, Loblaws a fermé 22 magasins et a coupé 500 emplois de soutien aux entreprises et aux magasins.

 

Le fait que les entreprises ont signalé le système de fixation des prix au Bureau de la concurrence, au lieu de se faire prendre, a donné aux employés de George Weston et de Loblaw l'immunité contre les accusations criminelles

Le système de fixation des prix violait plusieurs articles de la Loi sur la concurrence et pouvait constituer un comportement criminel.

 

Une campagne dans les médias sociaux encourage les gens à faire don de leurs cartes-cadeaux à des banques alimentaires, et, d'ailleurs, on rapporte que les banques alimentaires prospèrent grâce à cela

Cependant, il peut être plus utile d'utiliser la carte-cadeau et de faire un don de 25 $ à votre banque alimentaire locale, plutôt que de donner la carte-cadeau. La Banque d'alimentation d'Ottawa a déclaré préférer l'argent comptant, puisqu’en achetant de la nourriture en vrac des grossistes, « le 1 $ peut se transformer en 5 $ de nourriture ». Pour trouver votre banque alimentaire locale, voir ici.

Bien sûr, il y a beaucoup de débats sur l'efficacité des banques alimentaires pour lutter contre l'insécurité alimentaire. Si vous envisagez de faire don de votre carte-cadeau, vous pourriez aussi écrire un courriel à votre député pour demander au gouvernement fédéral de protéger le droit à l'alimentation pour tous ceux qui vivent au Canada et agir pour empêcher la collusion future d'augmenter artificiellement le prix des aliments.

On s'intéresse de plus en plus au rôle des sociétés dans notre système alimentaire et à ce qu'elles peuvent faire en matière de santé, d'environnement et d'accès. Ce sera une montée difficile pour la plus grande épicerie du Canada de reconquérir la confiance des consommateurs.