Projet de loi C-18: Lettre au ministre Ritz

7 mai 2014

L’honorable Gerry Ritz
Ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire
Chambre des communes, Ottawa
Ontario K1A 0A6

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Lire la réponse du ministre (en anglais) 

Objet : C-18 Loi sur la croissance dans le secteur agricole                  

Je vous écris au nom du Réseau pour une alimentation durable, une alliance pancanadienne d’organisations et de personnes travaillant à trois objectifs : éradiquer la faim, faire la promotion des aliments sains et salubres, soutenir la mise en place d’un système alimentaire durable.

Nous voudrions exprimer notre préoccupation face à l’orientation politique fondamentale du projet de loi C-18, la Loi sur la croissance dans le secteur agricole, une mesure législative ambitieuse et complexe qui modifie plusieurs autres lois. Bien que nous saluions les mesures permettant le retrait des aliments et des engrais importés illégalement au Canada, nous croyons que, dans l’ensemble, les changements proposés mineront davantage la capacité de résilience du secteur agricole et, à terme, notre souveraineté alimentaire nationale. Nous sommes particulièrement préoccupés par les changements proposés à la Loi sur la protection des obtentions végétales. Ces changements, s’ils sont adoptés, modifieront la nature de nos obligations en vertu de la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales, de la LPOV 78 à l’UPOV 91[1], ce qui n’est pas obligatoire en vertu de nos accords commerciaux internationaux. Un tel changement est inutile et aura des répercussions bien au-delà du secteur agricole :

  • Depuis des millénaires, les agriculteurs ont conservés et échangés les semences, une pratique à l’origine de la biodiversité agricole dont dépend le Canada et le monde pour assurer son alimentation. Cette pratique est, dans le cadre de l’UPOV et de cette Loi, reléguée au statut de « privilège des agriculteurs » qui peut être retiré par le gouvernement en place sans processus de consultation public, et impose des restrictions supplémentaires par les pratiques et orientations de l’UPOV[2].
  • Ce prétendu privilège des agriculteurs perd presque tout son sens puisqu’il ne protège que la capacité de sauvegarder et de conditionner les semences, mais non de les stocker.
  • Retirer la capacité aux agriculteurs d’échanger et de stocker les semences minera davantage la biodiversité et par conséquent notre capacité d’adaptation aux changements climatiques. L’entreposage des semences pour couvrir au-delà des besoins de plantation de la saison suivante permet aussi de protéger les fermes et la biodiversité contre les mauvaises récoltes.
  • Au lieu de percevoir des redevances aux points de vente des semences, les détenteurs de droits peuvent, en vertu de l’UPOV91, y accéder à divers endroits, de l’achat des semences à la culture et au-delà.  Il en résultera très probablement un coût plus élevé pour les agriculteurs et davantage de profits pour les détenteurs de droits. Ces coûts se répercuteront sur l’ensemble des Canadiens par une hausse des prix des aliments et la diminution du nombre d’agriculteurs incapables d’absorber la hausse des coûts d’opérations. Les prétentions quant à la neutralité des coûts de ce projet de loi sont de nature trompeuse, les bénéfices étant générés au profit du secteur des semences et les pertes assumées par les agriculteurs.

L’élaboration de politiques et de programmes qui soutiennent les agriculteurs canadiens pour leur permettre de jouir de conditions de vie décentes grâce aux marchés intérieurs et d'exportation devrait être la priorité de ce gouvernement. Le passage à l’UPOV 91 consacrera encore plus les droits des obtenteurs du secteur privé, et ce faisant, mettra involontairement à risque le dynamisme et la capacité d’adaptation d’un marché en pleine croissance dédié à l’agriculture locale, biologique, biodiversifiée et durable. Nous avons constaté que le secteur biologique, à lui seul, a triplé de volume depuis 2006, une tendance qui ne montre aucun signe d’essoufflement et qui mérite le soutien du Gouvernement[3]. Il est déplorable que la Loi sur la croissance dans le secteur agricole ne contienne rien de substantiel pour soutenir le secteur qui détient la croissance la plus rapide de l’agriculture canadienne. En effet, de plus en plus d’éléments font ressortir la nécessité d’une transition vers l’agro-écologie[4].

S’appuyant sur la Politique alimentaire populaire, le Réseau pour une alimentation durable exhorte le gouvernement à mettre en place une politique agricole et alimentaire nationale qui contient :

  • Des lois sur les semences qui reconnaissent et protègent la contribution millénaire des agriculteurs au développement et à la conservation des ressources phytogénétiques;
  • L’engagement à demeurer signataire de la LPOV 78;
  • La restauration des services publics de recherche et de vulgarisation aux agriculteurs, reconnaissant que l’innovation dans le domaine de la culture et de l’élevage ainsi que l’innovation des pratiques de gestion provient depuis longtemps des praticiens eux-mêmes, à savoir les agriculteurs, ainsi qu’à travers les investissements du gouvernement dans le secteur public;
  • Le développement économique local et régional à travers la restauration de l’infrastructure et des mécanismes régionaux et nationaux telle que la transformation, l'entreposage, le transport et l’accès aux marchés;
  • Des moyens de subsistance durables pour les agriculteurs et les générations à venir.

Bien que l’agriculture soit une activité essentiellement commerciale, elle est aussi étroitement liée au bien-être actuel et futur des citoyens canadiens. Alors que le monde célèbre l’Année internationale de l’agriculture familiale, le rôle vital que joue un secteur agricole résilient pour la stabilité politique, la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire d’un pays est largement reconnu[5]. Cette résilience repose sur des législations qui augmentent les capacités des agriculteurs, et non qui restreignent leurs droits, intègrent davantage d’incertitude à leurs activités commerciales,  et compromettent leurs moyens d’être économiquement viable à l’intérieur des mécanismes du marché, de plus en plus dominé par quelques grands acteurs[6].

Respectueusement,

Diana Bronson

 

Cc:      Malcolm Allen, Porte-parole de l’opposition en matière d’agriculture

           Mark Eyking, Porte-parole du Parti libéral en matière d’agriculture           

           André Bellavance, Membre, Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire

           Elizabeth May, Chef, Parti vert du Canada



[1] L'Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) est une organisation internationale établit par la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales adoptée en 1961 qui a fait l’objet de plusieurs révisions, la plus récente ayant eu lieu en 1991. L’Union compte actuellement 71 États membres.

[2] Voir le document de l’UPOV « Notes explicatives sur les exceptions au droit d’obtenteur selon l’acte de 1991 de la Convention » (http://www.upov.int/edocs/expndocs/fr/upov_exn_exc.pdf)

[4] Consultez, par exemple, le rapport du International Assessment of Agricultural Knowledge, Science and Technology for Development (http://www.fao.org/fileadmin/templates/est/Investment/Agriculture_at_a_C...),

[5] Consultez le rapport final du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation des Nations unies (http://www.srfood.org/images/stories/pdf/officialreports/20140310_finalr...)

[6] Par exemple, dans le secteur des semences, les trois plus grands semenciers contrôle déjà plus de la moitié du marché mondial des semences. Consultez le communiqué d’ETC Group de septembre 2013, Cartel Before the Horse (en anglais).

Pour davantage d'information, consultez l'article et le communiqué de presse.

 

Liste des signataires : 


Name Organization 
Aaron Vansintjan  
Adeline Cohen B  
Adrienne Levay University of British Columbia
Alastaire Henderson  
Alex Thumm  
Alexis Reichert  
Alia Karim  
Aliesha Desjarlais  
Alison Rothwell  
Amanda Comeau Many Feathers
Amy Collins  
Andrea Puric  
Andrea Zittlau  
Andrea-Jane Cornell  
Andrew Hewson  
Andrew Pollock  
Angela Brown  
Angela Heffernan  
Angela Plant  
Angele Gamble  
Anita Carr  
Anita Green  
Anna Savelyeva Centre for Food Policy, City University London
Anna Weier  
Anne Catherine Kennedy  
anne-marie comeau  
Ashley Schram  
Ashlin Miranda Parks Canada
Audrey-Maud P Tardif  
Beau Frigault  
Bob Shorten  
Brenda Leet  
Bryan Dale  
Caileigh McKnight  
Caili Steel  
Cameron Bell  
Carla Bitz  
carol hutchinson  
carol lucas  
Carole Saint-Pierre  
Carrie Nicols  
Cassie Wever  
Catherine Drolet  
Catherine O'Brien  
Chantal Lajoie  
Charles  Cousineau La Table ronde de Saint-Léonard
Charles-Eugène Bergeron  
Charlie Nixon National Farmer's Union
Charlotte Uhrich  
Chelsea Papineau  
Cherry Marshall  
Cheryl Thomas  
Chris Hooymans  
Christie  Young FarmStart 
Christine McKague  
Clarence-Adolphe Turcotte  
Colleen  Cameron  
Danielle Collins  
Danielle Perreault York University
David  Kirkwood  
David Carson  
Dean Harder  
Debbie Hubbard  
Debbie Martin  
Debby Murtagh  
Denis Erpicum  
Denis Lemieux Coopérative de solidarité Hélios
Diane  Arsenijevic  
Diane Martin  
Dilya Niezova  
Dominique Bernier AmiEs de la Terre de Québec
Don Ruzicka  
Donald Kerr  
Edward Cooke  
Eleuthera Diconca-Lippert Action Communiterre
Élisabeth LeBlanc  
Elizabeth Howard  
Elizabeth Laval  
Emanuelle Jubinville  
Emily rees  
Emily Tracewicz  
Erika Malich  
Esther Bourgault  
Fleur Esteron  
Geoff Smith  
Geoff Whitlock  
Georgina Hnatiuk Health Tree Healing Centre
Georgina Markov  
Germaine Coo  
Glen Casey  
Harriet Friedmann  
Helena Hnetka  
Ildiko Kovacs  
Imran Hamdad  
Indra Noyes  
Ira Heidemann  
Isobel Mailloux  
Jacqueline Wolfe  
Jamie Unwin Canadian Institute of Planners 
Jan Crawford  
jane allin  
Janice Klym  
Jayne Finn Sustainable Cobourg
Jeff Godfrey  
Jen McGowan  
Jen McMullen  
Jennifer  Gosley  
Jennifer Geniole  
Jessica Rainville  
Jo-Anne Christie  
Joanne Butler  
Joanne Laferriere  
Jodi Koberinski Organic Council of Ontario
Joel Aitken  
John Callahan  
John Cowin  
Johnathon Stewart CHEP Good Food Inc.
Jordan MacPhee  
Josee  
Joseph Kennedy  
Judy Adamson  
Julia Russell  
Julie Basque  
Julie Blais  
Julie Landry  
Julie Landry-Godin Réseau d'inclusion communautaire de la Péninsule acadienne Inc.
Julie Lapointe  
Julie Yang  
June  Kelegher  
Justin Cantafio Ecology Action Centre
Kate Stenson  
kathryn rawlings  
Kathy Mason  
Kelee Haggarty  
Kim  Fellows Pollination Canada
Kira Kastner Houselink Community Homes
Kira Kotilla  
Kristen Smith  
Ksenia Kay  
kyla johnson  
Lara Geinoz  
Lara Marjerrison  
Lesia Kinach  
Lesley Loasby  
Linda Moore  
Linda Peers  
Lisa  Ohberg  
Lisa B  
Lise Gauvreau  
lise huppler  
Louise Capelleburny  
Luce Beaulieu  
lysa dubord  
Lysanne Pinto  
Magdalena Wasilewska  
marc campbell  
Marcia Neumann  
Mariana  Frandsen  
Marie Josée Lemay  
Mariel Gauthier-Grégoire  
Masuda Barak  
Maude Rioux  
Maude Robinson  
Melissa Basque  
Melissa Ouellet  
Monica Lacey  
Nathalie Theriault  
nathan demeester  
Nelson Tardif  
Nicholas McHale  
Nicole Brooker  
Nikki Zawadzki  
Norma MacKellar  
Patricia Andrew  
Patricia Renfer  
Paula Sobie  
Peter Gallant  
Pierre Pharand  
Pierre Vignau  
Rachel Désilets  
Raphaele Piche  
Rebecca Wehner  
René Audet  
Richard Brown  
Ricole Fedyna  
Robert Moquin  
Roger Woo  
Ronald Brown  
Rosanne Blanchet  
Salman Banisadr Concordia University
Sandy Wallin  
Sara Binns  
Sarah Dennis  
Sarah Goldbaum  
Sepideh Anvar  
Shane Hartman  
Shannon Kamins  
Shannon O'Connor  
Stacey Hannem  
Stefan Kovacs  
Stella Lord Community Socieety to End Poverty-Nova Scotia
Stella Tzintzis  
Steven Gellman  
Sue Marshall  
sylain boucher  
Tannis Scerbo  
tara hollas  
tera demeester  
Teresa Doyle Bedlam Records
Thomas Cairnes  
Tiffany Mayer  
tom marcantonio Imagine a Garden In Every School
Tonya Hutt  
Tricia Boonstra  
Victoria Ho  
Violet Umanetz  
Virginia Hutchinson  
Virginie Lavallée-Picard Wind Whipped Farm
wes kmet  
Yvonne  Macor  
Zsofia Zambo