2017. Dix coups de bouffe et de coeur.

Billet publié ici, sur mon blog, Bouffisme


 

Une nouvelle année.

Moment des résolutions, des bilans, des réflexions sur tout ce qui nous a habités au cours de la dernière année et sur tous les défis et découvertes qui nous attendent. Ce moment de recueillement forcé peut s’avérer inutile si l’on ne s’évertue pas quotidiennement à réaliser nos objectifs. Chaque jour, nous avons l’occasion de faire un peu d’introspection, de nous corriger, de nous pousser un peu plus loin.

Beaucoup de mots pour dire que je trouve ce processus quelque peu artificiel. Toutefois, cette année, j’ai profité de l’occasion pour assembler les lectures faites en 2017 qui ont été les plus stimulantes et inspirantes. Ces articles et livres qui traitent de santé, d’agroalimentaire et d’environnement m’ont permis d’approfondir mes réflexions, d’aborder certaines nouvelles tendances et de me questionner quant à la place du droit au sein de ces dynamiques complexes et fondamentales.

Je partage avec vous ladite liste en espérant que ces lectures pourront vous provoquer, piquer votre curiosité, inciter des discussions avec votre entourage et surtout, insuffler en vous un désir de changement.

1. Omnivore’s Dilemma, de Michael Pollan. Fondamental, le discours de Pollan se lit comme un roman. Publié en 2007, son propos est encore des plus actuels.

2. La ferme impossible, de Dominic Lamontagne. Quiconque s’intéresse au milieu agroalimentaire québécois se doit de lire ce court manifeste qui dénonce véhémentement les politiques agricoles québécoises. Ce texte éditorial est à prendre avec un grain de sel, mais permet au néophyte d’entamer une réflexion sur le sujet et d’avoir le plaisir de s’indigner.

3. This tiny country feeds the world, article du National Geographic. NatGeo est un média que j’oublie, parfois, et c’est bien à mes dépens. Cet article nous transporte aux Pays-Bas, où l’innovation en matière de production agricole est époustouflante. On en rêve.

4. America’s Food System is a Mirror for our Society and Culture, article de Dave Wiech mettant en vedette Amanda Oborne de l’entreprise Ecotrust. En tant que professionnelle, elle est pleinement consciente des maux de notre système alimentaire. En tant que citoyenne, elle propose des pistes d’action qui peuvent se faire à petite échelle, tous les jours, par nous tous.

5. Inside the fight to label sugary, salty and fatty foods in Canada, article d’Ann Hui, journaliste au Globe and Mail. Un must. En 2016, le gouvernement fédéral a annoncé que tous les produits alimentaires ayant un taux élevé en sucre, en sel ou/et en gras allaient dorénavant, obligatoirement, être affublés d’une étiquette le dénonçant. En septembre 2017, les représentants du gouvernement, de l’industrie et de groupes oeuvrant en santé publique se sont rencontrés afin de discuter des modalités de la future réglementation. Ce compte-rendu percutant permet de prendre conscience de l’influence que l’industrie risque d’avoir sur certaines politiques, et conséquemment, sur la santé publique canadienne.

6. A Radical Farm Bill is Born, billet de Leah Douglas, publié sur Civil Eats. Le Food and Farm Act proposé par Earl Blumenauer, représentant de l’Oregon au Congrès américain, est un exemple concret de l’impact potentiel d’une loi en matière de promotion de l’industrie alimentaire locale et de protection de l’environnement.

7. Could AI help create a meat-free world?, article de Jose Luis Penarredonda, de la BBC.  L’intelligence artificielle (IA) prend de plus en plus de place dans notre quotidien,  et cette technologie pourrait éventuellement changer le monde tel qu’on le connaît. Déjà aujourd’hui, plusieurs nouveaux aliments sont créés de toute pièce grâce à l’IA.  Cette tendance pourrait-elle contribuer à ce que notre alimentation soit plus durable et meilleure pour notre santé? C’est à voir.

8. Les faux aliments ont colonisé jusqu’À 50% de nos supermarchés, propos d’Anthony Fardet recueillis par Anne Crignon. Cet article hyper-informatif est un réel ABC des produits ultra-transformés. Fardet, ingénieur agronome, décortique et analyse d’un point de vue scientifique les liens entre l’industrialisation de l’alimentation et notre santé. Une lecture complexe mais passionnante.

9. The Urban Food Revolution, de Peter Ladner. Je crois fondamentalement à l’importance de l’agriculture urbaine dans le développement d’un système alimentaire local. Cet ouvrage phare de Peter Ladner est le guide parfait du jardinier et de l’agriculteur urbain, tant au niveau intellectuel et théorique que pratique.

10. À la table des philosophes, de Normand Baillargeon. Dans ce magnifique ouvrage qui fait plaisir à feuilleter et à lire en désordre, Baillargeon analyse notre alimentation d’un point de vue éthique, sociopolitique, esthétique et moral, en abordant tant l’industrie alimentaire que le végétarisme et le locavorisme.  Une lecture interpellante et pertinente, à laquelle on revient.

***

Finalement, en novembre 2017, j’ai pu assister à Prenons la mesure, le deuxième colloque annuel en droit et politiques publiques agroalimentaires, tenu à l’Université d’Ottawa (avis aux intéressés, la troisième édition se tiendra en 2018 à l’Université Laval). Les échanges et rencontres issus de cet événement ont engendré plusieurs projets et réflexions que je partagerai avec vous tout au long de l’année 2018. Mais chaque chose en son temps. Je vous propose aujourd’hui la lecture du rapport d’Olivier de Schutter, ancien rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation, suite à sa mission au Canada en 2012. Ses conclusions sous-tendaient les propos de nombreux panels lors de Prenons la mesure et constituent un point de départ nécessaire à l’analyse de l’état du droit à l’alimentation au Canada.

Olivier de Schutter a été témoin pendant de nombreuses années du manque à gagner mondial en matière de droit à l’alimentation. Aujourd’hui, il tient à rappeler qu’avant tout, l’alimentation est une question de civilisation. Je vous laisse donc avec ses mots, d’une simplicité désarmante, qui mettent la table pour 2018 et qui en soit peuvent être l’ultime résolution.

L’accès de tous et de toutes à une alimentation adéquate suppose une meilleure protection sociale et des salaires décents, pour lesquels une politique de bas prix et l’aide alimentaire ne sauraient constituer des substituts. Mais il faudra davantage encore. Pour sortir de la culture alimentaire que cinquante années de productivisme ont façonné, transformant nos goûts et jusqu’à nos manières de table, il faudra davantage qu’une réorientation des subsides, une utilisation intelligente de l’outil fiscal, et quelques campagnes d’information. Il faudra faire de l’alimentation une question de civilisation. Réapprendre à cuisiner. Se rappeler que les repas sont un moment de convivialité. Retrouver le plaisir des saveurs. Renouer le lien social, à travers la cuisine et l’alimentation.

 

**Petit bonus** 

Si vous vous retrouvez un vendredi soir en mode cocooning à la maison et que vous ne savez pas quoi écouter pour vous divertir, voici, en rafale, quelques suggestions, qui simultanément, sauront agréablement titiller votre intellect :

  •  In Defense of Food ; disponible sur Netflix Canada, documentaire de PBS, basé sur le livre éponyme de Michael Pollan.
  • Seed : The Untold Story ; disponible sur Youtube pour la maigre somme de 3,99$. Seed est un documentaire visuellement magnifique et percutant qui permet de constater que ce que le citoyen moyen connaît des graines et semences qui parsèment notre planète ne constitue que la pointe de l’iceberg.
  • La ferme et son État ; documentaire de Marc Séguin sur l’agriculture québécoise telle qu’elle existe aujourd’hui, pour le meilleur et pour le pire.
  • Les dépossédés ; ce documentaire monumental de Mathieu Roy est une oeuvre à la fois brutale et poétique. Roy s’est imprégné de la réalité paysanne et nous partage ce qu’il a constaté – le résultat est cru et empreint de pureté. Pour en apprendre un peu plus sur le coût réel de notre nourriture.
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