La Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales

Par Alix Génier

 

Dans la tôlée de commentaires, de critiques, d’éloges et de questions que soulève la nouvelle mouture du Guide alimentaire canadien, une question importante se pose : Quelle sera la provenance de la moitié de cette assiette de fruits et légumes proposée et comment ceux-ci seront-ils produits? Sur ces points, le Guide alimentaire reste malheureusement silencieux… Mais un instrument de droit international fraichement adopté peut peut-être nous éclairer.

 

La Déclaration sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales

Le 19 novembre dernier, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté la Déclaration sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales avec 119 voix pour, 7 voix contre et 49 abstentions (soulignons que le Canada s’est abstenu sur ce vote). Ce texte marque une grande victoire pour les personnes vivant de l’agriculture partout à travers le monde. En effet, le projet de la Déclaration ayant été introduit dans les instances onusiennes par La Via Campesina (une organisation paysanne transnationale) il y a presque 10 ans, son adoption par l’Assemblée générale signifie la reconnaissance du statut particulier des paysans et autres travailleurs agricoles et confirme la nécessité de leur accorder une protection particulière.

 

Dans un monde où les systèmes de production alimentaire sont grandement influencés par l’industrie, la Déclaration reconnait les pressions exercées par les gros joueurs sur l’ensemble du secteur agricole et de la mise en marché et, en contrepartie, la vulnérabilité de nos cultivateurs (et cultivatrices par ailleurs) qui se trouvent souvent dans une position de dépendance, principalement économique, vis-à-vis de ces gros joueurs. Pour ce faire, la Déclaration soutient la mise en place de moyens de production détenus par les paysans, dont des techniques d’agroécologie, puisque ces derniers occupent un rôle essentiel dans la garanti de la souveraineté alimentaire des populations, ainsi que dans la préservation de la biodiversité qui intimement liée à leur subsistance et leur source de revenu. En ce sens, le lien capital entre les producteurs et les écosystèmes est l’une des clés d’une transition vers une agriculture durable. La Déclaration donc vise à mettre de l’avant un système alimentaire de réciprocité reconnecté avec les individus qui y sont au cœur : un système alimentaire durable à une échelle plus humaine.

 

Également, le texte de la Déclaration rassemble des droits sociaux conférés dans d’autres instruments de droit international, notamment le droit à l’alimentation, à la liberté d’association, à la santé et à l’emploi pour n’en nommer que quelques-uns. Donc loin d’essentialiser les paysans à leur rôle de nourriciers, elle propose que les gouvernements prennent les mesures nécessaires pour assurer ces droits. Par ailleurs, la Déclaration s’inscrit ainsi dans une lignée de documents internationaux qui confèrent des droits à certains groupes (comme les peuples autochtones, les enfants, ou les personnes handicapées) dans l’idée qu’au-delà des droits conférés aux individus, certains groupes, de par leur situation dans la société, requièrent une protection additionnelle. La Déclaration se trouve à être un plaidoyer pour une société plus juste dans son ensemble et pour tous les groupes. Soulignons toutefois que la Déclaration en tant qu’instrument de droit international ne possède aucune force contraignante et ne pourrait être invoquée devant les tribunaux canadiens comme une source de droit. Les droits proposés ont donc une connotation aspirationnelle pour le développement de politiques gouvernementales plutôt qu’un pouvoir réel et fort.

 

Néanmoins, le gouvernement du Canada devrait s’inspirer de cette Déclaration dans la mise en place d’une Politique alimentaire compréhensive de la ferme à la table. Nous appelons donc le gouvernement du Canada à se positionner en faveur de cette Déclaration et à mettre en place les droits énoncés par cette dernière ainsi qu’à agir de manière concrète de sorte à mettre ce texte extrêmement inspirant en œuvre.

 

 

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